Ordre Royal des Chevaliers de la Licorne


 
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 [RP] Sur les traces de Caïn

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Kékidi!




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Date d'inscription : 18/06/2007

Feuille de personnage
Nom: René Dangieu
Rang de noblesse: Pécore
Rôle/grade: Tavernier/Taulier

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MessageSujet: [RP] Sur les traces de Caïn   [RP] Sur les traces de Caïn EmptyMar 20 Jan 2009 - 20:33

Un soir. Un beau soir, après rude combat en les cellules de Ryes.

Un géant noir émergea lentement d'un escalier, montant sur les remparts de Ryes d'où l'on pouvait voir la mer.
René n'avait jamais apprécié particulièrement l'élément marin, de toute sa vie ; il avait en revanche l'avantage de présenter cet aspect uniforme et irréel, constellé de blanc, de bleu et de vert, propice à la réflexion, à la méditation et au jugement. Il avait été fortement ébranlé, et avait besoin de rester un peu seul. Son échine tremblait encore de l'affrontement, et son esprit se souvenait du contact, ténu, avec celui du cavalier. Il se souvenait de la bête sauvage qui lui avait sautée dessus. René ne se l'avouerait jamais, bien enentendu, mais les poils hérissés sur ses bras, et les tremblements n'étaient pas anodins. Il avait eu très peur, en bas. Pas de la peur de l'inconnu, que l'on peut éprouver devant n'importe quel étranger. Cette peur-là, René l'avait rencontrée face à lui, apprivoisée, vécu avec. Il en avait fait un élément normal et logique de sa vie, comme le "Bonjour" ou "Au revoir". L'homme noir n'avait jamais été aimé, où qu'il aille. Il avait toujours soulevé la surprise, la peur, l'hostilité. Être mal-aimé, condamné à toujours avancer en quête de lui-même. Il avait eu peur par la peur du passé. Peur des souvenirs enfouis qui ressurgiraient et feraient souffrir. Plus encore que l'Avenir, le Passé peut parfois s'avérer l'élément le plus destabilisant et le plus atroce de notre psyché.

Bande sonore

René pensait à ses parents. A ces hommes, ces femmes, qu'il avait peu connu, et par qui il était venu. Avait-il fait quoi que ce soit qui ait jamais pu leur faire déshonneur? Avait-il déshonoré réellement son père et sa mère? Les mauvais souvenirs, les horreurs du monastère, tout cela était-il de sa faute? Ou n'y avait-il aucune responsabilité? Dieu le punissait-il de qui il était? Dieu le punissait-il d'être né, d'exister, d'être celui qu'il était aujourd'hui? Qu'est ce que Dieu attendait de lui?
De ses parents, l'esprit de René vagabonda jusqu'au ciel, et à ce grand barbu ventripotent suspendu au plafond d'une église encore à l'état d'idée nébuleuse dans quelque esprit tordu, soutenu par des angelots glabres et nus, donnant la vie du bout du doigt à l'une des plus pures merveilles de la création. Qu'attendais-tu de lui, Seigneur? Que devait-il faire?
Il avait toujours respecté les sacrements, et Dieu. Il avait tué, certes. Mais c'était sur Ordre du roy, dans les compagnies d'ordonnance! Le roy étant choisi par Dieu, avait-il pu se damner en obéissant à son lieutenant? Ou bien sa peau elle-même portait-elle toutes les marques de son malheur? Les enseignements des moines étaient ils vrais? Etait-il un rejeton de Caïn, le frère d'Abel, marqué à jamais par Dieu? Devait-il à jamais endurer la faute de ses ancêtres?

Un jour, très loin d'ici, et en d'autres lieux, des bateaux seraient affrétés. Ils vogueraient vers un monde nouveau, plus à l'Ouest. De cette découverte fabuleuse, d'une terre devenue finalement ronde et aux contours délimités, des hommes émergeraient, que l'on tuerait. On les remplacerait par des champs de coton et de tabac, et sur leur sang et leurs cendres pousseraient les lingots d'or dont les conquérants se feraient des trésors. Des hommes coiffés de plumes, portant des peaux de bête, on en créerait d'autres serviles, et prêts à l'usage. On les massacrerait, puis on les utiliserait à construire une nouvelle société. Ils seraient les instruments de leur propre perte. Ainsi était-il dit, dans le grand livre du Destin, qu'un Dieu myope et hirsute devait lire d'une main pesante et velue, laissant de larges trainées de bière et de salive sur les marques futures du temps.
Un jour, l'erreur serait réparée. Et dans une ville fleurant bon les lames de Tolède, les taureaux noirs et les castagnettes, l'on déciderait qu'ils étaient les égaux des hommes. Et les visages pâles n'apprendraient pas de leurs erreurs. Il était dit qu'ils rejoueraient, encore et encore, ce scénario horrible, jusqu'à l'excès.

D'autres routes s'ouvriraient. D'autres seraient massacrés, sur l'autel du profit. Des hectolitres de sang versés à abreuver des champs arides sur lesquels on espérerait voir l'or pousser à boisseaux. Ceux-là auraient la peau sombre, et seraient enlevés à leurs pays, à leurs tribus, à leurs familles, à leurs parents, pour garnir les champs de travailleurs. Il était dit qu'ils auraient très exactement 16 pouces de large pour tout confort, entassés les uns contre les autres, dans les excréments et l'urine. Juste retour de là où tout les hommes viennent...(1)
Malheureux, ils ne reverraient jamais leurs terres. Les hommes à peau sombre, la race de René, s'échinerait pour rien, pendant près de 3 siècles.
Et un jour, enfin, un jour, cette horreur finirait. Dans le sang versé de milliers de visages pâles, se tuant habillés de gris et de bleus pour défendre les droits de leurs semblables à peau sombre. Et ce jour-là, les descendants de René espéreraient pouvoir enfin échapper au dévisagement dans les rues. Après Bull Run, Gettysburg, et toutes les autres batailles loufoques de la plus comique de toutes les guerres civiques civiles de toute l'humanité, enfin, les Noirs échapperaient à l'esclavage.

Mais les descendants de Caïn n'échapperaient pas facilement à leur condition de sous-hommes. Alors qu'ils se tourneraient vers le Dieu qui leur avait valu cette condition d'esclave, et inventeraient la plus belle musique du monde, il serait dit que l'on continuerait à les mépriser. Et alors que certains verraient en l'Ethiopie un nouvel Eden, une nouvelle Canaan pour les accueillir, certains autres souffriraient, rêvant de briser leurs chaines.

Bande sonore

Il était dit qu'un homme viendrait.

Il était dit qu'il serait noir. Il était dit qu'il aurait un discours de paix. Il était dit qu'il aurait un discours d'amour. Il était dit qu'il aurait un discours de fraternité. Il était dit qu'il aurait un discours de Justice. On ne l'appellerait pas messie. On ne l'appellerait pas Yahvé. On ne l'appellerait pas Eloim. On ne le baptiserait que du nom des rois. King. Martin Luther... King.
Il était dit qu'il faudrait attendre. Un jour, les Parques arriveraient enfin, dans l'entrelac des fils du destin, à parvenir à dessiner le dessin originel de la Liberté, et du partage entre tous les hommes. Il était dit, aussi, que comme tous les êtres de lumière qui luttaient pour la paix, ce Messie Noir, ce King, mourrait. Assassiné. Comme les autres. Comme un maigre émissaire de paix qui avait lutté pour les siens. Comme un frêle barbu, que l'on aiderait à porter sa croix.
Puis l'on tuerait son pendant. Celui qui, au nom d'Allah, prônerait par violence l'égalité des hommes. Celui que la Colère, plutôt que l'Amour, guiderait. Il était dit qu'il serait tué par ceux là même pour qui il luttait. Comme toujours. Les martyrs ont parfois peu de chance...

Il était dit.



Il était dit qu'un jour, un jour, lointain et nébuleux, que nul n'imaginait depuis des éons, que nul ne pouvait entrapercevoir au tréfond de ses idées les plus folles, que l'on n'osait évoquer même à murmures, que même les pères n'évoquaient jamais à leurs fils, un jour...
Un jour, ce pays verrait un jour nouveau. Qu'un jour, un jour, alors que des religions s'entretueraient, qu'alors que la violence déchirerait l'espace, que la haine déchirerait les coeurs, que les obus déchireraient les ventres, que la colère déchirerait les têtes, il était dit...

Qu'un jour, l'homme le plus puissant des hommes, le béni entre tous, celui qui commanderait au destin de la plus puissante des nations humaines serait noir. Qu'un jour, alors qu'un homme blanc barbu qui voyait le bien des noirs aurait été tué, qu'un messie noir aurait été abattu pour cette cause, qu'un guerrier noir aurait versé son sang, que tant d'hommes de couleurs auraient été tués par les travestis de l'ancien uniforme gris, cachés sous les bures blanches des pénitents espagnols, qu'alors que le monde aurait les yeux rivés sur ses propres actes, qu'alors qu'il courrait à sa perte.
Il était dit qu'une ère, nouvelle, entre toutes s'élèveraient. Que l'espoir de presque 5 siècles, de presque 500 ans, de presque 182 500 jours, serait un jour récompensé. Et que la nation qui aurait vue couler tout ce sang, toute cette haine, toutes ces horreurs, que celle qui tuait pour de l'or noir, que celle qui maintenait enfermé des hommes pour leurs croyances religieuses...

Que cette nation serait dirigée par un noir. Et dans le grand livre du destin était écrit, presque 552 ans après que ce géant noir se soit assis sur les murailles de pierre de l'une des plus fortes citadelles du royaume, que Barack Hussein Obama, fils d'un Kenyan et d'une américaine, né au milieu du plus grand océan du monde, il était écrit que le 20 janvier de l'an de Grâce du Seigneur 2009, cet homme deviendrait, en même temps que le 44e président des Etats-Unis d'Amérique, le 1er président noir de l'Histoire du pays de l'esclavagisme, des champs de coton, du gospel, de Lincoln, Malcolm X, Martin Luther King et Mickey.

Et René, ce soir-là, en s'asseyant sur les rebords des murailles, en jetant ses pieds dans le vide, en regardant les étoiles, la mer, et l'aube rosâtre qui s'élevait lentement à l'Ouest, sentait qu'un jour, de cette direction, viendrait la fin de son calvaire.
Et ce soir-là, enfin, René put enfin verser une larme de bonheur, car il savait que l'Humanité cesserait un jour de distinguer des races. Qu'il cesserait d'être considéré comme un animal. Qu'il deviendrait un jour quelqu'un.

Et alors, alors que le vent bruissait dans les arbres dévastés de cette fin d'hiver, et qu'un géant noir, seul, pleure quelques larmes sur un parapet, enveloppé dans une couverture, peut être est-il un peu pudique de notre part, de nous éloigner, et de retourner en taverne auprès du feu, pour vider une bonne chopine, en écoutant quelques contes bien de chez nouzaut's. Ne croyez vous pas?


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(1): "Inter Faeces urinasque nascimur recordas" *, disait à ce sujet Properce.

*:"Souviens toi que l'on naît entre les fèces et l'urine...", disait ce gouleyant personnage...


Dernière édition par Kékidi! le Mar 20 Jan 2009 - 20:56, édité 1 fois
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