[RP]D'une visite académique

Ryes...

Surprenante et imposante forteresse, pour elle qui estoit bien plus accoustumée aux demeures d'aisances de feue la duchesse de Bellesme et de son héritière.

Le voyage fut plus long que d'ordinaire, depuys l'Abbaye de Noirlac, ou elle avoit entamé une retraite assez longue après avoir assisté à la messe en mémoire de son défunt mary. La neige et le froid allongèrent le trajet, et puys, il falloit dire qu'elle n'estoit plus guère habituée à tant voyager, elle qui préféroit désormais travailler sur ses travaux académiques en sa demeure, ne se rendant en Paris que pour les comptes-rendus à l'Académicienne en chaire et les diverses réceptions.

Elle estoit presque devenue sédentaire, ne délaissant sa demeure bordelaise que quelques jours par moys, le temps de se rendre en Berry pour prendre connoissance des affaires de l'ordre cistercien, dont elle estoit la Légate, et de participer aux réunions importantes du chapistre. Et cela luy convenoit fort bien, plutost qu'une vie de voyages, sans attaches particulières ni demeure précise.

L'oblate tira sur les resnes de sa monture et leva la teste vers les haultes tours de la prime enceinte, détaillant du regard le système défensif, approuvant silencieusement la rumeur disant que la forteresse estoit imprenable, à moins que d'estre prise par un traistre ayant une parfaicte connoissance de son architecture.

La guyennoise fict avancer encore un peu sa fidèle Noisette, jusqu'à estre assez près du poste de garde sans avoir à crier pour se faire entendre. Et, par politesse, attendit que l'on vienne s'enquérir des raisons de sa venue, ne sachant guère comment s'annoncer sans paraistre trop arrogante ou trop hautaine, comme on avoit pu le luy en faire reproche encore récemment.

La dernière visite nocturne au poste de garde n'avait pas été de tout repos pour le Poitevin, et vestige de cette petite mésaventure, quelques minuscules cicatrices comblaient son visage, mais elles partiraient bien vite puisque le verre n'avait pas pénétré profondément la chair du héraut. Mais ce n'était pas une raison pour abandonner son poste de garde, jamais il ne l'avait lâché depuis son arrivée et il ne comptait pas que cela arrive de sitôt.. pour le faire partir il aurait fallût le faire de force..

Bref il faisait les cent pas, cloîtré entre les deux herse, se frappant frénétiquement ses deux mains entres elles pour les réchauffer vu le froid ambiant quand une monture et son occupante arrivèrent silencieusement.

Le Trémouillois s'approcha de la herse donnant sur l'extérieur et lança

Bonjour Ma Dame, Bienvenue à Ryes.
Que puis-je pour vous?

Puis il joignit ses mains et les mena à sa bouche pour qu'il puisse ensuite souffler dessus d'un souffle chaud et réparateur.

Sa teste s'incline en un respectueux salut lorsque le garde l'accueille, et elle se retient d'examiner plus avant le visage du jeune homme, ce qui, pour une veuve, n'est guère recommandé sans estre prise pour une femme de petite vertu.

Le faciès semble pourtant éveiller en elle quelque souvenir, sur lequel elle ne cherche point à s'attarder, sa mémoire luy faisant parfois défault pour des détails aussi minces qu'iceluy.
Elle prend le temps de mettre pied à terre avant de que d'apporter sa response, abaissant par la mesme occasion la capuche de sa sombre cape de voyage, pour laisser apparaistre la guimpe recouvrant ses cheveux, partie intégrante de sa blanche tenue de veuve.

Ad... Se reprend juste à temps avant que de prononcer un mot d'occitan, mieux valoit usiter de la langue d'oil au nord de la Loire. Le bon jour à vous, messire, et merci de m'accueillir en vos solides murs.

Je me nommes Eloin Bellecour, je suys copiste à l'Académie Royale et je suys en ce lieu pour encontrer le vicomte Rhuyzar.

Et, fouillant dans une poche cousue sur la doublure intérieure de sa cape, elle en sort un parchemin qu'elle tend au garde.

Tenez, voici la missive de vostre chancelier, pour vous prouver mes dires et ma bonne foy.

Simonin a écrit:: A dame Eloin Bellecour, copiste académique de Lexicographie

Mes respects,

Notre capitaine est en effet bien occupé en ce moment, c'est pourquoi le vicomte Rhuyzar, haut dignitaire de l'ordre, se propose de vous accueillir, de par son expérience, il sera plus a même de répondre à vos question. Il est possible que je me joigne à vous aussi par la suite.
Vous n'avez qu'a vous présentez au poste de garde avec cette dite missive, les gardes appelleront alors le vicomte de Delle.

Avec toutes mes salutations les plus distingués,

Simon d'Albizzi, chancelier de l'ordre.

La dame tout de blanc vétûe descend de son destrier.. On aurait presque pu entendre un "On m'appelle le chevalier blanccccc... Je vais et je vole au secours d'innoncents..." . Mais passons, une interjection est entamée.. même en en ayant entendu seulement les deux premières lettres il peut savoir ce qu'allait dire la dame...

Adissiatz !

Voila un mot qu'il avait entendu des dizaines et des dizaines de fois.. Quand on a un Roy d'Armes qui s'appelle Le Gueux aussi..
Eragon attrape la missive tendue, jette un coup d'oeil aux inscriptions et au scel et hoche la tête..

Bien!

Il s'approche du levier et enclenche le mécanisme de la herse.. il invite la dame a rentrer. Rhuyzar, il avait retenu le nom, celui qui l'avait repris a propos d'Amoulesolo dict L'Africain..

Le chevalier va venir à votre rencontre.

La lettre faisant office de sésame, la jeune femme observa la grille se lever pour luy laysser le passage, avant que de passer sous la herse en tenant sa jument par la bride.

Un regard circulaire sur la cour qui se dévoile à elle, avant que de se retourner vers le portier.

Merci de vostre accueil. Je vais attendre le chevalier, lors. Puys-je vous demander la permission d'aller déposer ma fidèle monture aux écuries ? Je gages qu'un peu d'avoine et d'eau ne seraient point pour luy déplaire, après le voyage que nous venons d'effectuer...

[Après les retrouvailles avec Erwyn]

Le vieux Chevalier travaillait dans la grande salle du Conseil lorsqu'il avait reçu le message. La Dame était arrivée et s'était présentée à l'entrée de la Forteresse, il lui fallait l'accueillir. Il s'était présenté sans hésiter pour réaliser cet entretien. Certes il n'était pas le plus vieux au sein de l'Ordre, mais des anciens encore présents il restait le plus vivace et il avait des choses à dire, sur ce glorieux passé dans lequel il aimait se plonger.

Tant pis pour la politesse, elle devrait attendre un peu. Rhuyzar faisait confiance à la garde pour l'occuper le temps qu'il soit présentable. Un détour par la Tour Achille, afin de revêtir une tenue appropriée. Ses vêtements de cuir noir, légers, élégants, son plastron uniquement décoré de son Collier de Chevalier. L'épée sur le côté, les deux miséricordes à la ceinture, le mantel sombre comme la nuit, fabriqué en souvenir de son vieux Frère disparu. Il ne s'était pas rasé, depuis deux jours au moins, si l'on en croyait l'affleurement de poils blancs sur son visage aux traits tirés.

Sans plus attendre il prit la direction de l'entrée, traversant les couloirs et les cours d'un pas cadencé mais rendu plus lent par ses muscles désormais souffrants. Insensible à la vie de Ryes, il marchait vers son but. Peu importaient les murmures, les regards, il en avait toujours été ainsi depuis qu'il avait enfilé les Gantelets du Capitaine. Ses apparitions rares provoquaient nombre de questionnements, et sa légende s'était en grande partie taillée sur cette discrétion dont il usait et abusait.

Rhuyzar soupira intérieurement en constatant que la voyageuse n'était pas repartie. N'ayant pas totalement ses vieilles habitudes, il fit signe à un garçon d'écurie de les rejoindre et poursuivit sa route. Arrivé à destination il s'inclina rapidement pour la saluer et remercia de la tête le Licorneux en charge du poste de garde.

Bienvenue Ma Dame, en l'antique Forteresse de Ryes. Le personnel de nos écuries va prendre soin de votre monture, si elle a quelque particularité quant à la manière dont il convient de s'en occuper, je vous serais reconnaissant de nous en informer, afin que nul malheur ne lui arrive en ce lieu.

Le jeune garçon était arrivé en courant et s'apprêtait déjà à repartir avec le cheval. Le Chevalier lui fit signe d'attendre les possibles informations qu'aurait à donner sa cavalière.

Je suis le Chevalier Rhuyzar de la Louveterie. Anciennement Capitaine de mon Ordre, pour faire court. Le Haut Conseil m'envoie afin de répondre à vos questions et de vous aider dans l'élaboration de votre ouvrage. En raison de mon âge et de mon ancienneté dans l'Ordre, je pense être en mesure de vous éclairer sur nombre de sujets. Cela vous convient-il ?

Le portier semblant estre retourné à son office, et sa jument guère décidée à se diriger d'elle-mesme vers les écuries, préférant observer ce nouvel environnement, Eloin resta donc dans la cour du poste de Garde, les resnes de Noisette en sa main senestre.

Elle en profita pour détailler la forteresse et les différentes parties d'icelle qui sembloient se dessiner au gré des tours et des pans de murs, certains plus haults que d'aultres. Elle imagina que les plus imposants estoient assurément les sièges du pouvoir licorneux, là où le Hault Conseil siégeoit pour traiter des affaires courantes de l'ordre.

La copiste n'eut guère le loisir de réfléchir plus avant qu'un bruit de pas retentit sur le costé, luy faisant tourner le regard dans la direction idoine. Remarquant l'aspect soigné de la tenue du nouveau venu, elle plongea en une profonde révérence, ayant là l'intuition d'encontrer celuy avec qui son entretien aurait lieu.

Bonjour, sénher, mercè de vostre diligence. Noisette n'a guère besoin d'aultre chose qu'un peu d'avoine et d'eau, après nostre voyage par ce temps frais et humide.

Elle jeta un bref regard à sa monture qui se contenta d'émettre un bref hennissement, avant que de s'adresser directement au valet d'écurie.

Un bon brossage serait également le bienvenu, je pense...

Elle ne précisa point que ceste monture estoit la seule que ses maigres moyens luy permettoient de posséder, et qu'étant de surcroit un présent d'une personne défunte ayant grandement compté pour elle, il falloit en prendre grand soin.
En ce lieu, elle savoit que les chevaux estoient aussi précieux que le métal des épées, et ne se faisoit donc guère de souci quand au traitement qui serait dispensé à la fidèle jument.

Aussi abandonna-t-elle les resnes de sa monture au palefrenier sans nulle crainte, pour se retourner vers le chevalier. Lequel ne tarda point à se présenter à elle, ce qui luy tira un mince sourire. Son instinct ne l'avoit point trompée, une nouvelle foys !

Cela me convient parfaictement, messer... A ce propos, y-a-t-il un titre particulier que je me devrais d'usiter à vostre égard ?

Eloin attendit la response du vescomte à la chevelure grisonnante, tout en remarquant que la présence de ce dernier dans la cour sembloit en étonner certains, bien plus en tous cas que sa propre présence, alors que son immaculée tenue avoit de quoi surprendre dans un lieu tel que la forteresse de Ryes...

Impassible, le vieux Chevalier écouta la jeune femme donner les instructions pour sa monture puis poser sa question, tandis que le garçon emportait le cheval. Rhuyzar ne doutait pas que l'animal serait traité avec le plus grand respect et dans les règles de l'art, on ne transigeait pas avec cela dans une Forteresse abritant l'Ordre de Chevalerie le plus puissant du Royaume.

Il sourit. Toujours cette même question. Toujours ces formalités. Qu'il était loin le temps où il portait un intérêt à ces choses, où sa fonction de Diplomate l'obligeait à considérer les apparences avec autant d'importance que le fond. Aujourd'hui ses cheveux blancs et les traits tirés de son visage lui donnaient certainement l'allure d'un homme vénérable au passé riche en émotion. Bientôt on s'inquiéterait pour sa santé au moindre signe de faiblesse et on chercherait à le protéger de tout danger. Mais pour le moment, il était toujours ce Fils de la Licorne formé par les meilleurs Chevaliers de ce temps.

En ce lieu je suis le Chevalier Rhuyzar de la Louveterie. Je doute que vous ayez très envie de m'appeler par mon nom, aussi vous demanderais-je de m'appeler simplement Chevalier, ma Dame. Je ne suis rien d'autre, et cela me convient parfaitement.

Il tendit alors le bras en direction de la cour et poursuivit:

Si vous voulez bien me suivre, une salle nous attend à la Taverne de la Forteresse, c'est là que nous réalisons nos entretiens avec les personnes qui viennent parfois nous rendre visite.

Et, s'assurant que la Dame le suivait, il prit lentement la direction de la Taverne.