Voilà ce qu'elle devait être... Quelqu'un à qui parler. Que pouvait-on espérer d'autre d'une marraine, qu'elle soit telle devant le Très-Haut ou devant la Licorne ? Sindanarie s'était un temps posé la question, quand elle était devenue celle de Gabriel d'Amilly. Hélas, le jeune homme était passé de vie à trépas, et le Cavalier n'avait pu que le déplorer. Il y avait de l'enthousiasme chez ce garçon, de la retenue, un petit quelque chose qui le plaçait hors des masses communes - quelque chose qui n'était pas le fait de sa naissance mais bien une certaine noblesse de coeur.
Pour lui, elle n'avait pas pu grand chose, à son grand regret. Soit qu'elle n'ait pas su être assez disponible pour lui, soit qu'elle ait manqué de temps, cela ne changeait pas grand chose au final. Et dans ses prières, il trouvait toujours une place. Mais désormais, en cette grande famille de la Licorne, la Carsenac avait une nouvelle filleule sur qui veiller. Une filleule envers laquelle elle s'était déjà engagée en la chapelle de la demeure des Cars, et dont elle suivrait les pas également en ces murs.
Un peu plus tôt dans la journée, dans le soleil déjà blafard de cette fin août, elle s'était rendue au poste de garde. Elle savait qu'Anna y serait. Elle l'avait écouté répondre à qui avait une question à poser. Et, quand la jeune fille avait été disponible, elle s'était glissée à l'intérieur de la guérite pour lui souffler, tout simplement, qu'elle l'attendrait dans les jardins quand elle aurait rempli ses devoirs de la journée.
C'était donc auprès des rosiers dont Antlia avait réussi à orner les jardins que Sindanarie s'était installée pour attendre sa filleule. Elle avait pris avec elle quelques feuillets, juste de quoi occuper son esprit comme ses mains en attendant la blonde. Cependant, malgré ce travail, son esprit vagabondait déjà vers ce qu'elle aurait à dire à Anna. Tellement de choses, en vérité, qu'il en devenait impossible d'établir un ordre ou une hiérarchie entre elle. Avec un soupir, parfois, le Cavalier repoussait ces idées pour se concentrer sur la généalogie de telle ou telle famille, dont les noms s'entrecroisaient dans ses longues veilles. La Reynie, Okhtarloc de Carguignan, Pemmorn, Rivien, Saint-Anthelme... Et s'il n'y avait eu qu'eux ! Mais toujours, entre ces patronymes plus ou moins illustres, revenait la figure souriante d'une jeune mère issue d'une des plus grandes lignées de France. Ne restait guère qu'à l'attendre...
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