Jour de pluie.

Assis sur les marches de sa demeure, comme il avait coutume de le faire depuis de longues années, Mehar attendait patiemment le retour des premières lueurs de l'aube. Il affectionnait entre tous cet instant si particulier ou les premiers rayons du soleil venaient se briser dans le prisme chromatique d'une rosée évanescente, qui bientôt couvrirait son départ d'une brume légère et parfumée.
Un instant de repos et de contemplation devenu si rare et précieux en Flandre que rien n'aurait pu le sortir des rêveries qui étaient les siennes, ou ....presque...

- Mehar tu devrais vraiment te rapprocher de Bruges, j'en ai cure de toujours marcher jusqu'à chez toi.

- Et qu'est-ce qui t'amène si loin de la ville et de ses remparts ?

- Oh .... Ceci Mehar, excuses moi mais cela n'a rien d'une visite amicale. Une missive qui doit t'être remise.

Mehar fronça légèrement le sourcil en se saisissant du courrier dont il reconnaissait le sceau.

- Merci à toi, voilà pour ton ventre et pour ta peine.

S'assurant d'être à nouveau seul en sa demeure, Mehar jeta un dernier regard au ciel avant de s'attarder à nouveau sur le parchemin qu'il avait tant attendu, pour enfin en briser le scellé.
Son visage semblait s'assombrir au fil de sa lecture, mais ce n'était là que quelques nuages auxquels la rosée à présent évaporée participait. L'essentiel était là, et même si elle semblait faible et ténue, une chance lui était offerte et Mehar n'était pas homme à la laisser s'enfuir... son vieux bâton le conduirait où il était attendu.
Hélas chacun sait que le bâton ne sert guère à protéger le pèlerin de la pluie; pluie qui se montra fort généreuse le jour qui marqua la fin du périple de Mehar.

Espérons que des courageux soient là pour m'ouvrir par ce temps !

Secouant la cloche au bout de son bâton, qui d'ordinaire lui servait à éloigner les vipères, il cria à haute voix:

- Ohéé! Du château !!! On m'a porté missive que je dois vous présenter!

Mehar brandit un parchemin de sous sa cape sous la pluie battante, la rangeant aussitôt.

Citation :

L'Ordre royal de la Licorne à messire Mehar,
Salut et connaissance de vérité.

En ce jour, le Haut Conseil de l'Ordre s'est prononcé en défaveur de votre intégration en notre sein au rang d'écuyer.

Néanmoins, cette même assemblée a estimé devoir vous recevoir en tant qu'homme d'arme,

Ainsi, veuillez vous présenter en la Forteresse sise à Ryes , et présenter cette missive aux gardes.

Vous exprimant mes salutations.

Faict en Ryes, ce 1er jour de septembre de l'an de grasce MCDLVIII.

Après l'avoir silencieusement écouté, Mehar s'arrêta à la hauteur du garde tout en se recouvrant.

- Je m'étais plomis d'offlil ceci à qui m'ouvlilait les poltes...

- Excusez moi, un accent qui a du mal à disparaître totalement...

- Je disais donc que je m'étais promis d'offrir ceci à qui m'ouvrirait les portes, un peu des Flandres...

Un léger sourire aux lèvres, Mehar plongea la main dans son sac pour en sortir une belle bouteille de cette bière qu'on ne boit qu'à Bruges et la tendit au garde.

- Au vu du temps, je gage qu'elle vous sera bientôt d'un grand réconfort.