[RP] L'écritoire du Guillaume, là où tout se passe...

Fraîchement intronisé héraut par celle qui se voulait certainement sa meilleure ennemie – j’ai nommé Montjoye –, Guillaume avait repris le chemin de Ryes pour y établir ses nouveaux quartiers. Il n’abandonnait pas sa chambre de chevalier, que non point, mais avait désormais également autorité sur la hérauderie de son ordre. Comme si les légendes assurant que les premiers hérauts d’armes étaient d’anciens chevaliers trop vieux pour prendre les armes s’incarnaient en lui.

Y pensant en souriant, Guillaume fit sauter le verrou de la salle. Pour sûr, elle n’avait plus été fréquentée depuis assez de semaines pour que la poussière commence une œuvre colonisatrice à faire rougir de jalousie le futur Empire espagnol. Gravant dans sa mémoire qu’il lui faudrait faire nettoyer le tout par deux ou trois valets, voire par un écuyer récalcitrant, qui sait.

Mais tout d’abord, il lui fallait établir et marquer sa présence. Avisant un écritoire, le plus massif et encombrant évidemment, il en chassa les premières couches de poussière de plusieurs grands coups de manche. Puis il le traîna jusqu’au centre de la pièce, poussant force soupirs et ahanements. Mais, après de longues minutes, il y était parvenu. Étape suivante, classer le reste. Et il commença à, plusieurs heures durant, déposer, empiler, rassembler, diviser les volumes garnissant les étagères. Ensuite viendrait le moment de leur faire prendre leur nouveau classement, plus en accord avec sa façon de travailler.

Et alors que, ô scandale suprême, il était occupé à se relaxer en lisant le Roman de la Rose, Guillaume fut sorti de ses songeries par la douce et mélodieuse voix de Saint-Jean qui pouvait, oui oui, être mélodieuse même en s’adressant à vous comme une gamine le ferait. « Youhou »… Quelle classe… Ironie quand tu nous tiens… Bref, tout cela pour dire que le Jeneffe sourit à la Gisors-Breuil quand celle-ci s’annonça de la manière susdite.

- Vous êtes charmante, Perrinne, vraiment. Et je ne sais comment vous en remercier. Pour ce qui est de Guilhem, soyez rassurée, nous n’attendions qu’un successeur au chevalier de Lazare pour régler les choses. Cela devrait aller vite, maintenant, d’autant que la décision est ferme et définitive. Et merci pour votre aide. Quant à moi, après avoir mis à jour le registre nobiliaire présent à Saint-Antoine, j’en ai fait de même en ces lieux. Il me faudra encore supprimer des doublons, ajouter une nouvelle rubrique à notre nobiliaire royal qui ne comporte pas le nom des chevaliers décédés ou qui nous ont quitté et plus largement ranger les rayons de cette salle… Rien d’insurmontable, en somme.

Ils sont mentionnés dans le nobiliaire présent ici, mais pas dans celui de Paris, en fait.

Ce doit être vous qui les empêchez de se bien diriger. Je ne pensais qu'à ceux qui ont quitté l'ordre, volontairement ou non. Au temps pour moi.

Arrivant sur les pas, ou presque, de sa jeune chevaucheuse – j’en connais un qui ne va pas aimer ce terme – Guillaume de Jeneffe la salua alors qu’elle faisait ce que toute mordue de livres devait faire, à savoir s’user les yeux sur des lignes d’encre. Sourire aux lèvres, il s’installa à son siège, désignant une chaise à l’attention de sa pupille.

- Nous allons commencer en force, écuyère. Le nobiliaire de notre ordre est complet sur le fond mais il lui manque encore six blasons pour l’être également sur la forme. Six chevaliers nous ont en effet quitté avant le terme de leur engagement. J’aimerais donc que vous choisissiez l’un d’entre eux pour me dire ce que vous en avez entendu dire ainsi que pour m’en décrire le blason tel qu’il le portait avant de nous quitter. Et en fonction de vos réponses vous pourrez être amenée à le reproduire.

Certes il n’y allait pas avec le dos de la cuillère, mais dans ses jours de grande forme, le Flamand n’aimait pas tergiverser. Et puis, après tout, la Tourangelle n’était pas une novice dans le domaine. Sans compter que ses aïeux avaient dû lui parler au moins de trois ou quatre de ce fameux six-pack…

Accueillant le Languedocien avec un grand sourire, il détourna un instant l'attention d'Ellesya.

- Le bonjour frère, et mes félicitations pour votre rapidité. Prenez un siège et dites-moi donc en quoi consiste votre formation héraldique. De là, nous verrons ce à quoi nous pourrons vous faire travailler. Mais d'abord...

Il se leva alors pour déboucher une boutanche et en remplir trois verres.

"Nous allons tous trois nous donner de la motivation... au calva!"

Le monde des hérauts est un monde de tradition. Nul mal donc à ce que l'on défende une tradition normande!

Bien le bonjour Chevalier De Jeneffe, écuyère Ellesya.

Fool salua le chevalier et cette jeune écuyère, qui lui paraissait aussi fraiche qui lui devait lui paraitre au mieux usé, au pire à un écorcheur de grand chemin, balafré et amputé... Il se "consolait" en se disant que c'était le prix à payer pour la vie choisie de batailles et de campagnes. Il lui sourit.

Puis il reporta son attention sur le breuvage que versait le chevalier.

Mercè, frère Guillaume. C'est en effet une tradition appréciable par son caractère revigorant.

Il avala une gorgée qui lui arracha une légère grimace. Décidément son palais du Sud ne ferait jamais à cet alcool.

En fait pour répondre à votre question,Chevalier. J'ai reçue une formation dans la faculté d'héraldique de l'université de Belrupt. Qui est reconnue par de nombreux comtés et duchés ainsi l'ordre royal du saint sépulcre, de mémoire.

Léger sourire.

Ma formation sur les 2 premiers niveaux a été de se familiariser avec la lecture des blasons et leur composant: pièces honorables, meubles, etc. Mais nous en sommes pas au niveau de décrire un blason dans la manière de l'art.J'espère en 3ème niveau.

Il marqua un temps d'arrêt pour avaler une nouvelle gorgée. Nouvelle grimace, moins marquée toutefois.

J'y ai trouvé grand intérêt à cette découverte. J'ai souhaité mettre à profit ces connaissances pour aider l'ordre si possible. Et avec de la chance découvrir le monde de l'hérauderie. J'espère pouvoir vous aider.

Sept ? Pourquoi parlait-elle de sept chev… Dame ! Bon sang, mais c’était bien sûr. Elle ne pouvait parler que de cela. Elle était aux premières loges pour le savoir, et le rappeler. Elle était en droit de le faire, d’ailleurs. Il ne put donc que répondre par un sourire gêné en tentant de trouver une explication à cette situation, qui résultait en partie d’un oubli de sa part. Pourtant, Dieu sait qu’il avait regretté cette situation, ce qui lui paraissait être une éternité auparavant. Il avait tempêté in petto et, si ses souvenirs ne le trahissaient pas, tout tenté pour abattre cette résolution. Mais il n’en avait rien été. Hélas peut-être.

Toutefois, l’arrivée de Fool l’avait sauvé, cette fois (oui on fait du flash-back dans les rps Licorne, et on assume). Car nul doute que cela reviendrait sur le tapis, de son fait ou de celui de la Valkyrie. Il se versa donc une rasade dans le gosier qui ne lui fit rien de ce qu’endura le Sudiste. Petit sourire à la constatation de l’incompatibilité entre les deux puis retour au sérieux de leur mission. Car il s’agissait effectivement de mission.

Notez bien qu’en matière de mémoire, entendre parler d’une reconnaissance du Saint-Sépulcre faillit provoquer une rigolade qui n’aurait pas été discrète. Heureusement, il put se contenir et entendre l’écuyer lui décrire son cursus.

- Je vois. Certes, c’était une formule qu’il utilisait souvent, mais elle se trouvait presque tout le temps justifiée. Et, ici, il ne peut effacer un petit sourire en coin de ses lèvres Mais dites-moi, à ce rythme, vous apprendrez à distinguer les couronnes en quinzième année… On va donc accélérer un peu la cadence.

Se levant, il alla prendre un volume relié de grossier mais solide cuir brun qu’il ouvrit à deux pages où l’on pouvait voir deux blasons où il glissa deux morceaux de tissus faisant office de marque-page.

Spoiler:

- Voici les armes de deux anciens chevaliers. Je vais donc vous demander de mettre vos connaissances en pratique et de me les décrire aussi bien que vous le pouvez. Toute cette bibliothèque, et vos propres livres, si vous en avez à Ryes, sont à votre disposition pour ce faire, n’hésitez pas à vous en servir. Mais hors de question, évidemment, de fouiller après les descriptions réalisées par d’autres que vous, bien sûr. Et nous corrigerons au besoin.

Écuyers ? Prêts ? Partez ?

Visiblement, il avait oublié d’être clair… C’est ce qu’il pensa quand il vit l’écuyère se mettre à décrire les blasons de Silec et Rhuyzar. Mais il était trop tard pour se rattraper et il laissa donc la jeune fille faire preuve de sa motivation. Mais, comme on pouvait s’en douter, cet exercice lui était bien trop simple et il ne fallut que quelques minutes pour la voir produire, déjà, son résultat. Pendant ce temps, Fool se plongeait dans les traités, manuels et textes variés composant une bonne part des volumes soigneusement conservés en la salle des blasons. Il put donc répondre au rapide coup d’œil de la jeune fille de façon parfaitement discrète et exprimer, d’une moue qu’il peignit rapidement sur son visage, qu’il ne voulait pas lui faire subir ÇA.

Et c’est ainsi qu’il lui glissa à l’oreille : « Je ne voulais pas que vous fassiez cet exercice, et surtout pas avec ce blason », puis reprit à haute voix : « C’est n’est pas mal du tout » avant de corriger à la plume le document qu’elle lui avait fourni. C’est qu’il n’était pas question de déconcentrer l’autre écuyer. Son encre vint donc barrer les mots « adoubés » pour les faire surmonter d’un « si on est chevalier, on a été adoubé », ajouter le chiffre « V » devant « fusées », barrer « à l’antique » puis de parapher la description Louvetieresque d’un « V », non sans avoir dissimulé « diète d’Empire » sous un large trait d’encre.

Il reprit ensuite, à voix haute à nouveau : « Et maintenant, vous pouvez revenir à vos six, ou vos sept… »

Laissant sa pupille se consacrer à cette nouvelle tâche, il se plongea à son tour dans une lecture, que vint heureusement interrompre son frère d’Oc.

« Eh bien, voyons si vos professeurs de Belrupt sont à la hauteur de leur réputation, et si vous faites bien de les écouter. Quoique, entre eux et Montjoye, certains diraient que l’on navigue de Charybde en Scylla », acheva-t-il d’un rire bonhomme qui ne laissait pas de doute sur sa bonne humeur, avant de regarder plus attentivement le « devoir » que son « élève » venait de lui remettre.

« Mmmh, il y a de l’idée. Et en tout cas, vous n’utilisez pas des termes impropres. Pour le premier blason, celui du chevalier Silec, ou plutôt de l’ancien chevalier, vous avez dit voir de la gueule dans les 1 et 4 de son écartelé où il n’y en avait pas. Ne soyez pas trop pressé, le langage héraldique n’entend pas obligatoirement être énoncé à toute allure. Quant aux fusées, elles sont plutôt posées en fasce. Et pour les quartiers 2 et 3, il ne s’agit pas vraiment de fascé, puisque dans ce cas il devrait y avoir autant de fasce de gueules que de vair. On a plutôt à faire à un écu de gueules aux trois fasces de vair. Quant au reste de la description, elle est correcte. Mais vous pouvez vous contenter de dire « Licornes » pour les supports, car c’est là sa position par défaut. C’est si elle était sur ses quatre pattes, par exemple, qu’il s’agirait de le préciser. Vous voyez, vous aviez tous les éléments. Il ne manque plus qu’un peu d’ordre et tout ira bien ».

Puis il se tourna vers l’écu du Loup d’argent, dont il avait découvert le corps, si longtemps auparavant, aux côtés d’une autre chevalier dont il attendait et espérait désespérément des nouvelles…

« Pour les armes du chevalier, et vicomte vu la couronne impériale, Rhuyzar… j’ai été quelque peu plus vicieux puisque leur meuble est bien plus rare. Il s’agit de joncs, en fait. Mais vous les avez bien décrit, à part cela. L’écusson vous a posé un peu plus de soucis. N’oubliez pas qu’un blason se décrit de la couche la plus « lointaine » si l’on peut dire à celle qui vous est le plus proche. L’écusson est donc bien de sable, mais c’est le chevron qui doit venir ensuite, pour pouvoir situer les loups, et non les lions, qui l’accompagnent. Loups qui, puisqu’ils ne sont pas des lions, doivent voir leur posture décrite. Et dans ce cas, il s’agit de loups « ravissants ». Enfin, la cotice broche, puisqu’elle est sur le dernier « niveau ».

Il reporta ensuite son regard vers le jeune homme, tenant de lire son regard.

« Vraiment, c’est fort bien, eu égard à la formation que l’on vous a fournie. Mais, rassurez-moi, j’espère que cet exercice ne vous a pas trop effrayé… »

C'est d'un sourire bienveillant que le Flamand reçut la réaction du Languedocien. Certes il n'avait pas choisi les plus simples. Et c'était voulu. Guillaume avait toujours été persuadé que l'on apprenait mieux confronté à un défi très ou trop dur plutôt que lorsque l'on ne devait fournir qu'un effort moyen. Cela lui avait d'ailleurs valu de très sérieux soucis. Surtout quand le défi se révélait être un bretteur de 200 livres et que vous n'avez que 15 ans. Mais il en était toujours sorti entier et, étant loin de se sentir exceptionnel ou supérieur à la norme, quoique plaçant peut-être le niveau de la norme trop haut mais cela était un autre débat, de là avait considéré que d'autres pourraient tout à fait réussir ce qu'il avait fait avant eux.

- Vous avez raison, je ne vous ai pas facilité la tâche. Mais, voyez, vous vous en êtes fort bien sorti, au final. Et vous vous êtes même risqué, non sans mérite d'ailleurs, à décrire tout ce qui entoure l'écu. Et si je m'interroge plus sur une formation qui, au terme de deux sessions, semble refuser d'aborder l'écartelé, alors que c'est une des partitions les plus courantes, vous faites honneur à la réputation des Sudistes. On ne vous décourage pas si aisément. Ce doit être le fait de devoir résister au soleil encore et toujours. En tout cas, c'est pour un Nordiste comme moi un réel exploit. Et je n'exagère qu'à peine.

Car si l'on avait su ce qu'il avait souffert, il y a des années, lors de son « absence » de France, on pourrait peser là la vérité de son propos. Il reprit toutefois, après avoir à peine laissé passer une ou deux secondes : « Je vous propose donc ceci. Une alternance entre mes questions, pratiques ou théoriques, et les vôtres, qui peuvent être celles que vous voulez. Je refuse en effet de siéger à Ryes comme d'autres le font en Sorbonne, ne faisant que parler et parler ».

Il avait accueilli d’un acquiescement et d’un sourire l’offre d’aide que la jeune fille avait faite à son frère d’armes. Les liens presque familiaux qui se nouaient en Ryes n’avaient rien d’automatique, il le savait fort bien, et en avait désespéré, à quelques reprises. Là aussi était sa tâche, de s’assurer que l’ensemble de l’Ordre resterait uni. Et quelle meilleure façon pour obtenir cette union que d’amener ses membres à collaborer, et donc à découvrir leurs valeurs respectives.
 
Mais déjà la jeune fille s’étendait en long et en large sur le duc d’Azayes. Et le moins que l’on pouvait dire était qu’elle avait la dent dure. Après Rassaln, c’était au tour de Thierry d’en prendre pour son grade. Dans le fond, Guillaume le savait, elle n’avait pas vraiment tort et ce qu’elle soulignait avait déjà été dit par d’autres qu’eux, et à plusieurs reprises encore. Toutefois, il tenait son double rôle de héraut et d’ancien, c’était-à-dire de gardien de la mémoire licorneuse, très à cœur et il ne se fit pas prier pour ramener à de plus justes proportions les observations qui venaient de lui être faites.
 
« À vous entendre, on pourrait croire que ce pauvre Thierry n’a jamais rien réalisé de grand, ou même de bien. Or, on ne peut dire cela. S’il est vrai que la fin de sa vie fut marquée par l’absence et de longues retraites, il avait auparavant grandement mérité, de la France et de l’Ordre. Certes Pouancé fut cause de bien des soucis, mais, comme tout traité, il eut pour lui de mettre un terme, certes temporaire, aux conflits que vous avez évoqués. Et, avant cela, il avait aidé à mettre des provinces sur la voie de leur futur succès, comme le Languedoc, et ce bien avant sa révocation de notre Ordre. En ces murs…, en ces murs il fut double, ai-je envie de dire. Souvent absent, cela est vrai, surtout dans la seconde partie de sa vie, mais aussi présent, fut un temps, pour nous aider à faire de la Licorne ce qu’elle devait être… Oui, je dis nous car, alors déjà, je parcourai notre citadelle, cela ne me rajeunit pas. Quant à ses blasons… voici ce qui pourrait vous aider à vous rafraîchir la mémoire », fit-il en allant chercher un petit cahier qu’il déposa devant les yeux de la chevaucheuse.
 
Il se tourna ensuite vers le Languedocien, espérant que celui-ci ne s’était pas impatienté de l’assez longue discussion que le parrain et la filleule venaient d’avoir.
 
« Ce que j’attends de vous, frère, est peu et beaucoup à la fois. Comme vous le savez, l’héraldique est indissociable de la noblesse, et donc de la chevalerie. Certains s’essaient même à reproduire les armes des plus grands chevaliers des temps jadis, tels Alexandre ou César. Dès lors, à vous voir intéresser par ce domaine, j’espère que vous serez de ceux qui, un jour, prendront mon relais, quand la sénilité ou la mort m’auront fauché. Et je prie que la seconde se montre plus preste que la première, même si l’idée de les attendre encore quelques années ne me disconvient pas, évidemment. C’est la raison pour laquelle je serais heureux de vous voir apprendre tout ce qui se peut savoir en ce domaine. Car sans héraut pour consigner et chanter leurs hauts faits et leurs armes, les chevaliers disparaîtront, un jour ou l’autre. Vous voyez, c’est aussi simple et compliqué que cela… »