La Chambre d'Erwyn of Kylebonhamm, 35e du nom.

Audelhine entra dans la pièce.
Un peu gauche elle ne savait si elle devait saluer le soldat ou faire une réverence devant le vicomte.
Elle opta pour la seconde solution, après tout elle n'était pas militaire.

-Messire permettez moi de me présenter, je suis Audelhine de Chamberet Saint Mathieu, je suis honnorée de vous rencontrer.

La voix se voulait calme et assurée mais une faiblesse transparaissait.
En voyant Wanou, c'est son passé qui ressurgissait, et, qui sait un autre avenir....

Cahin caha, en béquilles depuis sa chambre, le Grand Maistre avait rejoint la chambre de son vieil ami. Gagnée par la poussière, malgré le travail des valets chargés de veiller sur son entretien, elle exhalait cet ancien parfum de la Ryes de ses premiers jours, celle qu'il avait connu, lorsque, errant, il avait reçu la permission d'en franchir le poste de garde. C'était d'ailleurs la première fois qu'il y entrait.

D'un regard presque craintif, il embrassa les murs, les meubles, tout ce qui avait fait les nuits de son vieil ami, de son modèle. Modèle, oui, peut-être Erwyn était-il celui dont il se rapprochait le plus, à condition que deux chevaliers puissent se ressembler. Et qu'ils puissent partager les mêmes qualités. Et de ses qualités, Guillaume doutait, tous les jours, ou presque. Y penser, ici, dans l'antre du chevalier de Kylebonham, modèle de chevalerie, affaibli, usait le Flamand. Sa résistance morale était moindre encore que sa capacité à supporter les médications efficaces de ses soeurs.

D'ailleurs, pourquoi était-il venu ici alors qu'on lui annonçait la disparition de l'épée et des gantelets du capitaine? Etait-ce raisonnable de le croire encore vivant, malgré ce qu'en avait Valandil, malgré ce que tous savaient? On ne survit pas à une telle chute... On ne survit pas à cela... On laisse un souvenir, entretenu par quelques fidèles, et on ne vit plus qu'à travers lui.

C'est à ce souvenir, à cet ami disparu qu'il ne reverrait jamais que Guillaume écrivit, encre, plume et parchemin se trouvant encore en ces lieux, braves valets qui sans bruit faisait leur ouvrage sans poser de question sur les raisons qui l'avaient poussé à garder l'écritoire en état d'être utilisé.

De son écriture fine et rapide, mais encore mal assurée par son récent malaise, il jeta quelques mots sur la feuille, sans ordre réel, sans vraiment penser à ce qu'il faisait... Il écrivait à un fantôme...

Citation :

Erwyn,

Je ne sais pourquoi je t'écris aujourd'hui. Je ne sais si c'est toi qui a repris possession de tes gants et épée. Je ne sais comment tu as pu survivre à tout cela, si tu es aujourd'hui vivant.

Ce que je sais c'est qu'en Ryes, tu nous perdrais tous. Nous allons te chercher, mais je sais que si tu ne le désires pas, tu ne nous trouveras guère. Alors, si un chevalier bien indigne de ta confiance peut te faire une seule demande, c'est celle de ne pas rester loin de nous. Aujourd'hui plus encore que quand le nom de Kylebonham était connu de tout le royaume, la Licorne a besoin d'un modèle que toi seul peut être.

Je ne saurais hélas te chercher, car l'on m'attend de toute urgence en Flandres, mais je te promets qu'une fois de retour en Ryes, il ne sera plus question que je te laisse filer, ni toi, ni les idées qu'aujourd'hui tu as réveillé en moi.

A bientôt mon ami,

Guillaume