Jugement de LouisHubert

Tout le monde qui devait se trouver là était présent. Aussi n'était-il plus temps de tergiverser. Il faudrait se montrer fort, et ne pas se laisser tenter par le côté obscur du ressentiment, et prendre le chemin de l'objectivité. Il avait déjà du agir de la sorte, et savait que ce serait à nouveau le cas. Aussi, sans perdre plus de temps, il se leva et commença, d'une voix aussi forte qu'il parvenait à faire sortir de sa bouche: "Frère LouisHubert, nous sommes aujourd'hui appelés à juger certains de vos actes. Sachez que je n'agis ainsi que parce que j'en suis obligé, et que j'eus préféré ne pas avoir à tenir telle réunion. Que de même rien ne guide mes actes que le désir de justice seul. Que tant que ce procès durera, vous resterez escuyer de nostre Ordre, et y conserverez tous les droits et devoirs dont vous avez joui, en ce compris le droit de mander procès. Je vais énoncer un à un les points qui vous sont reprochés, vous laissant chaque fois le temps d'y répondre, pendant un délai aussi réduit que faire se peut, afin de ne pas nuire à votre activité de comte des Flandres, ainsi que vous me l'aviez demandé, soit un maximum de 7 jours. De même, afin que tout soit plus simple, je commencerais par les accusations de non-respect de la charte avant que de poursuivre par celles relevant de la trahison."

Marquant ensuite une pause, et vérifiant qu'accusé, juges et président aient chacun du vin afin de se raffraichir, il poursuivit: "En premier lieu, première accusation de non-respect de la Charte, celle d'avoir enfreint cette obligation, contenue en nostre Charte, "Tout membre se doit de visiter fréquemment les installations de l'Ordre et d'y montrer une participation minimum". Or, comme nombre d'entre nous ont pu se rendre compte, vos présences sont bien rares, et dans les réflexions exigeant l'avis de tous, nous ne vous voyons que trop peu..."

Guillaume acheva sa phrase, attendant la réponse du comte flamand.

Zalina sortit de ses pensées en entendant la voie de son Maistre. Elle l'écouta silencieusement, Le visage impassible, ouvrir la séance et en donner le déroulement.
Elle découvrait, comme ses Frères non membres du Haut Conseil, les raisons, du moins en résumé, qui les rassemblaient ici. Non-respect de la charte et trahison... Trahison ? Sa respiration se coupa. Qu'avait pu faire son frère pour être accusé de trahison ? Jamais elle n'avait pensé entrer dans cette salle pour une telle comparution.
L'Errante reprit tant bien que mal son visage impassible et redoubla d'attention à l'écoute des explications de LouisHubert pour la première accusation.

Un léger rire se laissa entendre, très léger, presque nerveux, puis il augmenta d'intensité en suivant le mouvement du Comte pour se lever face à tous et chacun.

hahahahahahahahahahahaha.

Droit fier, il fixa chaque personne présente ici, avec une sorte d'arrogance, et quelque peu de dédain, visiblement déçu par un procès avec si peu de forme.

Êtes-vous réellement serieux? Regardez-vous? C'est une mascarade votre "procès". On voit bien que vous êtes bien plus des guerriers que des légistes! Laissez-le marteau aux bonnes personnes, et gardez vos épées! À ce que je vois, mettez-moi donc directement dehors plutôt que de faire un simili-procès, bon que pour donner un semblant d'activité et un beau spectacle à regarder.

Juste pour vous faire plaisir, je vais répondre aux accusations, en commençant par le fond même: l'article de loi.

Citation :

Tout membre se doit de visiter fréquemment les installations de l'Ordre et d'y montrer une participation minimum

Fréquemment? Ça veut dire quoi "Fréquemment"? De manière fréquente, souvent. [dixit Larousse 2007] N'est ce pas la un concept bien relatif? Fréquente, du mot fréquence... Caractère de ce qui se reproduit à intervalles rapprochés, de ce qui se répète. [dixit idem] Encore une fois un concept bien abstrait et très relatif! Rapprochés sur quoi? On ne le sait pas!
Ça peut aussi bien être une heure, qu'une semaine, qu'un mois, qu'un an, qu'une décennie. Qui se répète sur quoi? Encore une fois, sur n'importe quelle mesure de temps.

Minimum? Encore une fois, qu'est ce que cela veut dire? Le plus petit degré auquel quelquechose peut être réduit. [dixit idem] C'est encore une fois un concept abstrait et relatif... Minimum comparé à quoi? À rien! Rien n'est précisé! Donc le minimum de rien, ça reste zéro.

Je viens donc de prouver à tous et chacun ici présent qu'une accusation sur cet article est impossible, car à la base, l'article ne tient pas debout; il prend en compte des concepts abstraits et relatifs, et donc qui change d'une personne à l'autre. Ne me sortez pas le "on sous-entend", un article d'une charte, corpus, etc. n'est pas fait de sous-entendu, mais de chose spécifique, pareil pour tous.

Oh, et puis, pour vous amuser et continuer votre mascarade, qui semble vous amuser. En admettant que l'article tient debout, oui j'ai une activité plus que réduite depuis 2 mois, mais je prends à l'appuie le sieur TT de Treviers, qui fut Comte du Languedoc 2 mois lui aussi. Son activité au sein de la forteresse était fort semblable à la mienne. Et lui? A-t-il eu un procès, que nenni.

Laissez le marteau au légiste et gardez vos épées.

Sur ce, il tourna les talons et retourna s'asseoir. Une petite pensée intérieure, ça se joue à deux ce jeu là...

ll ne les avait pas salué, s'était ri d'eux, et enchainait sur un comportement des plus désespérants pour un chevalier. Tout ce qui sous-tendait leur vie semblait ici ignoré... Mais inutile d'y penser puisque tout cela se traduirait par les paroles du Grand Maître: "Je remarque ici que vous ne prenez pas la peine de préciser la fréquence", et il insista sur ce terme, "de vos interventions, et que vous prenez le zéro pour point de référence de vos activités en ces lieux. Mais vous vous contentez de jouer sur les mots, des mots que votre tâche de légiste devait vous entraîner à étudier, et à amender lorsque, comme cela semble estre aujourd'hui le cas, il vous semble que le texte est défectueux. Et ce ne fut point le cas... tout comme vous semblez méprisez la morale chevaleresque qui doit présider à chacun de nos actes, tout comme elle présida la rédaction de ceste charte, mais ce que vous ne semblez pas avoir compris, ni n'avez jamais cherché à savoir par des questions...

Ensuite, croyez-vous vraiment que cela nous plaise de vous juger? Pensez-vous vraiment que ce soit là nostre seul loisir? En ce cas, je ne m'explique toujours point votre volonté à nous rejoindre...

Quant à dénoncer un frère pour se dédouaner... Je n'ajouterais rien sur ce point... Est-il besoin de seulement le faire? Je ne pense pas... Je rajouterais que si vous le jugez pertinent, vous avez toujours la possibilité de mander un procès à son adresse, à moins que vous ne nous jugiez trop corrompus...

Mais ce premier point est clos, chacun ayant donné son avis sur ce point. Cependant, afin de respecter la parité, il est bien entendu que vous avez toujours le droit de répondre à ma réponse.

Le second point est celui-ci, toujours sous le chef de non-respect à la charte "Tout membre se doit de donner son avis et de voter lors des différents sondages tels que l'adhésion de nouveaux membres". Je me permets donc de préciser que peu de nous avons pu jouir de vos lumières lors de discussions de ce jour" finit-il.

A l'écouter déblatérer un tissu d'inanités sur son Ordre, Guillaume sentait la colère poindre en lui. Depuis bien des années, il avait apris à la contenir, à la noyer sous la réflexion et le calme. Et aujourd'hui elle n'exploserait pas plus que demain, ou qu'hier, même si cela devait lui en coûter, et supporter les insultes de quelqu'un en qui il avait longtemps eu confiance, jusqu'à des événements récents qui l'avaient forcé à ouvrir ce procès. Bien sûr il eut pu décider de son exclusion, mais Guillaume avait assisté à l'érection de ce tribunal, aux travaux qui y avaient présidé, et le pensait nécessaire, afin que tout soit su de ses soeurs et frères. Aussi, reprenant son calme, Guillaume répondit, avec toute la courtoisie dont il était capable: "Et bien, je prends bonne note de vos remarques, même si j'eus préféré les entendre formulées en d'autres circonstances, afin qu'elles servent de base de réflexions à nostre Ordre. Quant au véritable mal qui tient l'Ordre, selon vos dires, ai-je jamais dit que la Licorne ne courait aucun danger? Ai-je promis des lendemains qui chantent? Ai-je promis une vie de tournoi et de chansons de geste? Non, rien de tout cela. Mais au contraire de vous, cela ne me désespère point, j'y trouve encore plus de volonté de vivre, car c'est dans l'épreuve que le chevalier montre sa valeur. Bien sur certaines de nos actions ont pu être des échecs, qui serais-je pour oser affirmer le contraire?, mais est-ce que cela doit nous paralyser dans nos actions, nous empêcher de réfléchir à autre chose?, non, je ne le pense pas. Défendre le roy, négocier, agir à la protection de notre royaume, tout cela nous savons, nous voulons, nous devons et nous continuerons à le faire, peut-être avec d'autres moyens qu'hier, mais non sans la même volonté. Et en cela, jamais la Licorne ne sera désuette.

Je ne relèverais pas que nous nous sommes inventés une cour de justice, qui ne soulève qu'aujourd'hui vos reproches puisque vous avez accepté d'y siéger précédemment, ni que vos combats en première ligne pour le roy ne m'ont laissé que peu de souvenirs, à moins que la première ligne du combat ne désigne pas pour vous que le combat des armes, alors que vous semblez si attaché à l'idée de duel. Mais ce sont là des points que les juges ne pourront prendre en compte, car ils ne figurent point sur les accusations portées à votre encontre.

A ce sujet, permettez que je m'excuse pour ce lapsus, je voulais, comme vous le savez, dire deuxième point de ce procès contre vous, car je ne peux que vous donner raison. Ce procès est dirigé sur votre personne, en effet, car je n'ose imaginer un procès intitulé "Jugement de Zalina" destiné à Caturix par exemple.

Nous en sommes donc au deuxième point. Que vous acceptez en vous réfugiant derrière l'argument que nous ne sommes pas ici pour simplement voter des adhésions. Je vous ferais également remarqué que lors des manoeuvres qui ont eu lieu autour de la Bretagne, eh oui, encore elle, vos interventions furent bien peu nombreuses alors que les frères qui y furent envoyés ont lutté les armes à la main. Et que si certains s'abstiennent de voter, ils agissent par ailleurs. Cependant, si vous avez des noms de frères qui n'agissent pas assez en notre ordre, nous serions heureux de les entendre afin de statuer sur leur sort."

Et Guillaume clôtura son énoncé, renvoyant son regard au comte. Se sentait-il peiné d'en être arrivé là, oui, certainement, et peut-être son regard trahit-il un instant ses regrets, qui eut su le dire?