Une arrivée

Un homme au visage buriné et marqué par le sel approche de l’entrée de la forteresse. En le regardant de plus près on pourrait lire une intense émotion en son regard, une lueur de joie…
Mais, pour l’heure, c’est surtout une intense fatigue qui se lit dans sa démarche saccadée, lui qui a posé pieds à terre et marche aux côtés de sa monture à la claudication prononcée. L’homme ne semble pas être armé même s’il est impossible de discerner le chargement de sa vieille monture recouverte par une large couverture.
Sa claudication prononcée donne à l’ensemble une impression de houle…
L’homme qui se sait surveillé du haut des remparts avance à découvert, sûr de son fait. Ceux qui sont ici lui ouvriront les lourdes herses qui déjà se dessinent.

Ainsi il approche et, parvenu à portée de voix, annonce :

Ohé de la forteresse !
Faites annoncer mon arrivée et mon désir de m’entretenir au plus tôt avec votre chef !

Puis, sans attendre quelque réponse, l’homme prend siège sur une grande pierre ; il connait les lenteurs de ceux qui se trouvent derrière les hauts remparts ; et s’installe du plus confortablement possible.

Bougonnant encore du message de l'homme d'armes qui l'avait prévenu d'une arrivée, l'écuyer en charge du poste de garde traversait la cour à grands pas, un grand morceau dans la main, le mâchant tranquillement alors qu'il arrivait vers la herse, quand il n'était pas en train de râler.

Encore quelqu'un qui arrive, et évidemment, il faut que ça soit pendant le seul moment de la journée où on n'est pas en train de scier des planches! Enfin bon, c'est comme ça, je dois être content de respirer le grand air frais, je présume...

Enfin arrivé à l'entrée, après un bref coup d'oeil dans le poste de garde, par la meurtière. Derrière, un homme assis devant l'entrée, tenant par ses rênes un cheval qui semble fort chargé. Ressortant de la pièce, ilgrimpe au rempart, pour s'adresser à l'homme en ces termes:

Holà, en bas ! s'écria-t-il pour capter son attention avant de, quand l'autre eut redressé la tête pour le regarder, poursuivre: Bien le bonjour, sieur! Je suis l'Escuyer en charge des entrées, répondant aux nom de Stannis. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir décliner les motifs de votre venue en ce lieu, s'il vous plaît de le faire.

Un écuyer du nom de Stannis vient déjà de l'interpeller alors qu'il n'est là à attendre que depuis peu. Cela a été moins long que prévu. L'homme en est surpris mais également rassuré sur la tenue de la forteresse.

Se levant alors pour répondre sans pour autant enlever la capuche qui lui cache en partie le visage, l'homme s'adresse en ces termes à l'écuyer.

Bien le bonjour Messire écuyer. Il me semble déjà avoir décliné les motifs de ma venue en ces terres de Ryes, mais, comme il semble que le message ne vous ait point été transmis en son entier, je m'en vais vous le répéter : Faites annoncer mon arrivée et mon désir de m'entretenir au plus vite avec votre grand maîstre !

Cette annonce faite, l'homme reprend position sur la pierre tout en lâchant la bride de sa monture.
Alors libéré de toute retenue le vieux cheval boiteux prend immédiatement direction de la première herse comme s’il connaissait fort bien le lieu et le chemin de l’écurie.
Se faisant, la large couverture glisse et tombe au sol laissant apparaître une lourde hache maintenue au pommeau de la selle et, surplombant ce dernier, un heaume qui semble avoir déjà connu le fracas des batailles.

Sans se lever de la pierre sur laquelle il se repose ni même se retourner, l'homme donne cette réponse à l'écuyer de garde.

Point ne suis je un inconnu ici.

Cette réponse formulée en une courte phrase est lancée sans animosité aucune même s'il se doute que, certainement, l'homme de garde ne pourra s'en satisfaire. Aussi ajoute t'il.

Faites au moins entrer ma monture afin qu'elle puisse rejoindre les écuries. Ne soyez néanmoins pas inquiété par son étrange démarche, elle n'est pas blessée, elle est fort vieille et fatiguée du long voyage auquel je l'ai encore contraint et boite de la sorte depuis quelques années déjà.

L'homme se dirige alors vers l'animal, saisit le manche gravé de la lourde hache et retourne s'assoir avant que d'encore n'ajouter.

Permettez que je récupère mon arme et faites donc mander le Grand Maîstre sans plus attendre.

Ronchonnant pour lui-même - pouvait pas faire comme tout le monde, celui-là, ce serait trop simple - l'Escuyer se tourna vers Akane pour lui passer quelques consignes.

Bon, reste ici pour lui tenir compagnie si jamais il en manifestait le besoin, "bien que ça m'étonnerait fort" pensa-t-il en écho à ses paroles moi je descends prévenir le Capitaine.

Puis, se penchant par-dessus le merlon sur lequel il s'appuyait, il s'adressa à l'individu, avant de descendre vers le poste de garde pour transmettre l'étrange présentation au Capitaine, curieux aussi de voir sa réaction.

Eh bien, il semblerait qu'il me faille me contenter de ceci, je suppose... Je vais prévenir le Capitaine Rhuyzar, qui tranchera, en attendant, je vais vous demander un petit surplus de patience. En ce qui concerne votre monture, je vais la laisser patienter un petit peu encore avec vous, ça ne devrait point être par trop long.

Se tournant alors vers l'enceinte sans pour autant relever la tête.

Le Capitaine Rhuyzar dites vous.
Soit, je me contenterais de lui, pour l'instant, car comme vous, je me dois de me contenter de ce que l'un veut bien donner à l'autre.
Par contre, permettez que j'insiste en ce qui concerne ma pauvre monture. Elle n'est pas dangereuse et mérite de prendre repos au plus vite.
Si tant est que vous accédiez à cette demande, apprenez qu'elle répond au doux nom de "Léonide" et aime l'avoine fraîche.
Enfin, puisque l'attente risque d'être longue, permettez encore que je récupère mon sac de voyage en lequel se trouve de quoi subsister au moins une nuit.

Et, comme semble être son habitude, l'homme n'attend point de réponse et se dirige vers sa monture en abandonnant quelques instants la hache qu'il a jusqu'alors posée à son immédiate proximité.
Le terrible éclat de la lame affûtée est alors reflété par la lumière pourtant bien basse du soleil de Normandie. La gravure du manche, pourtant rehaussée à l'or fin, ne se suffit pas de cette lumière pour pouvoir être lue à distance...
Il attrape alors un lourd sac et s'en retourne s'installer sur cette pierre qui semble être son lieu de villégiature pour cette nuit au moins...

Après avoir pris un frugal repas, l'homme décide de s'installer pour la nuit. Ainsi sort il de sa besace une longue cape dans laquelle il s'enroule afin de se préserver au mieux de l'humide fraicheur qui commence à s'imposer avec la tombée du jour.
Un observateur attentif aurait certainement pu apercevoir une large broderie de fils d'argent occupant une grande partie du dos du vêtement dorénavant utilisé comme une vulgaire couverture.
Sa vieille monture, certainement lasse d'attendre devant la herse, rejoint son cavalier et se positionne à côté de lui comme pour protéger encore mieux son maitre du froid de la nuit qui semble devoir être longue.
L'homme adresse alors quelques douces paroles à son cheval.

Mon brave Léonide, je savais l'hospitalité des Licorneux difficile à obtenir du fait des mesures de sécurité de la forteresse mais je ne pensais pas qu'ils t'auraient ainsi laissé dehors.

Comme s'il pouvait comprendre les paroles de son maitre, le vieux cheval émet un hennissement strident dans lequel semble transparaitre son incompréhension d'être ainsi laissé à la porte.
Un sourire s'installe alors sur le visage de l'homme qui termine d'ajuster sa cape et se positionne en position semi assise, dos à la pierre qui jusqu'alors lui servait de siège.
Avant que de ne chercher le sommeil, l'homme contrôle que sa hache soit toujours placée juste à sa droite...

Un bruit caractéristique...
La lourde herse se lève, quelqu'un doit enfin s'inquiéter de laisser un homme et son cheval passer une nuit hors de l'abri de murs et d'un toit...
L'homme est quelque peu surpris d'entendre la voix du Capitaine Rhuyzar et fait alors en sorte qu'il ne puisse l'identifier en modifiant son timbre de voix.
Celle ci d'habitude virile et forte se trouve déformée en une voix fluette de jeune garçon à peine pubère.

Oui Capitaine Rhuyzar, vous pouvez certainement m'aider.

Marquant une courte pause, l'homme reprend - Je souhaite être au plus vite reçu par votre grand maîstre, tel est l'unique motif de ma venue en ces terres de Ryes.

Néanmoins troublé par l'arrivée aussi rapide d'un capitaine de la Licorne, l'homme ne montre pourtant aucunement son trouble et ne bouge pas de sa position. Tout juste vérifie t'il que sa capuche camoufle encore suffisamment son visage et est il rassuré de voir que sa monture s'est éloignée...

Enfin quelques paroles qui réchauffent le cœur de l'homme, on leur propose enfin d'accèder, lui et sa monture, au sein de la noble forteresse.
Mais là n'est pas son but...
Aussi se complait il à répondre tout en prenant garde d'utiliser cette voix de puceau dont il ne sait pas si elle peut véritablement masquer si longtemps son identité.

Occupé à une cérémonie dites vous. Bien, qu'il en soit ainsi. J'attendrais donc ici que le grand maîstre veuille bien prendre en compte ma demande. Je vous suis toutefois gré d'autoriser ma monture à prendre quelque repos en les écuries.

L'homme siffle alors et émet un son qui rappelle celui du sifflet utilisé à bord des navires. Sa monture prend alors, à nouveau, directement la direction de la herse...

Pour le reste - reprend l'homme - point l'hydromel n'est boisson que je préfère. Par contre, s'il vous est possible, une bonne goulée d'hypocras ma ferait le plus grand bien.

Il se tait alors guettant la réaction du capitaine...

Entre attendre au dehors dans le froid de la nuit et patienter devant une bonne goulée d'hypocras ou même de toute autre boisson, le choix est plutôt facile.
L'homme se redresse donc pour prendre la suite du capitaine, besace en bandoulière et hache coincée sur l'épaule.
C'est à ce moment que le capitaine se retourne vivement vers lui et lui assène sa dernière remarque.

De l'aide ? Non, je vous remercie. L'essentiel de mes affaires est encore harnaché sur ma monture et j'ai pour habitude de ne jamais me séparer de ce joli morceau de bois et de fer forgé - dit il en désignant son arme de sa voix de fausset.

Bientôt, lorsque les herses auront été ouvertes par les gardes, il sera enfin à l’intérieur de la forteresse…