Ordre Royal des Chevaliers de la Licorne


 
AccueilAccueil  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le Deal du moment :
Bon plan achat en duo : 2ème robot cuiseur ...
Voir le deal
600 €

 

 [RP] De la Fonte dans les Plumes

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
Rhuyzar

Rhuyzar


Nombre de messages : 2880
Grade : Chevalier Errant
Date d'inscription : 17/09/2006

Feuille de personnage
Nom: Rhuyzar
Rang de noblesse: Chevalier
Rôle/grade: Chevalier Errant

[RP] De la Fonte dans les Plumes Empty
MessageSujet: [RP] De la Fonte dans les Plumes   [RP] De la Fonte dans les Plumes EmptySam 1 Aoû 2015 - 11:28

Les nuits d'été ne sont pas toutes emplies de songes. Il se peut même, dit-on, que certaines se prêtent avec un brin de complaisance aux cauchemars ou aux insomnies. Depuis son retour des grandes plaines perdues dans le très lointain Orient, celui qui se faisait appeler le Loup Blanc en faisait l'amère expérience. A croire que la frontière passée, son esprit s'était de nouveau imprégné de cette nécessité fondamentale qui l'avait guidé des années durant. Sauf que désormais, il n'était plus rien. Ou plus exactement, rien de ce qu'il avait pu être. Il ne portait ni gantelets ni éperons. Sa Vicomté était retournée dans le giron de ce Comté si cher à celui qu'on avait appelé le Destructeur. Aucune charge ne le contraignait à une de quelconques obligations. Le Corbeau avait laissé dans sa fuite le principal aliment de sa fort curieuse personne: le Devoir.

Et pourtant... son retour ne s'apparentait pas aux méandres silencieux d'un long fleuve tranquille. Il lui restait un nom tout d'abord. Celui découvert par sa soeur, collant étrangement avec l'animal principal de son bestiaire personnel. Louveterie... Cette famille dont il n'avait jamais été très loin, sans pourtant jamais savoir qu'il en partageait le sang. Amusante coïncidence s'apparentant à une farce de ce destin aux mille visages. Bâtard dans les faits, par les actes de son père, il n'en ressentait pourtant aucune honte et n'en concevait aucun ressentiment à l'égard de sa lignée. Au contraire. La logique était finalement un peu respectée. Elle rejoignait la multiplicité des courants qui avaient traversé son être au cours de sa désormais presque longue vie. Destin farceur.

Et puis, il y avait toujours cet animal mythique, cabrant à la face du monde avec insolence. S'il avait vécu quantité de vies, celle-ci en avait surement été la plus marquante, la plus fondatrice, la plus intense. Même sa Libertad de panthère n'avait pas eu autant d'influence sur lui qu'avaient pu en avoir les hommes et les femmes qui avaient arpenté les légendaires couloirs de la Forteresse de Ryes. Et, marchant dans leurs traces, il les avait arpentés aussi. Il avait appris, au début, avait grandi et s'était endurci au contact d'un monde dont la réalité dénotait quelque peu en comparaison des ouvrages fort lumineux qui lui étaient consacrés. Le Loup était devenu Corbeau pour les besoins de la cause, sa cause. Il s'était laissé happer dans les ombres avec complaisance et avait fait sien cet univers de complots, d'intrigues, de coups fourrés. L'origine de tout cela, il la connaissait. Mais savoir, cette fois, n'y changeait rien. Il ne pouvait plus l'affronter. Elle avait disparu, effacée par le temps, ne laissant que la poussière du souvenir et la force du mythe. Il était trop tard pour défaire et retisser plus habilement. Il fallait désormais composer avec ce canevas incomplet et quelque peu brouillon.


C'est exactement ce qui expliquait la présence de Rhuyzar sur les remparts de Ryes cette nuit-là. Une ronde eut aussi été un parfait prétexte, mais il n'en avait aucun besoin. Et la présence dans sa senestre d'une bouteille de vin aux trois quarts vide n'aurait guère cadré avec le besoin de vigilance d'une patrouille nocturne. Sa démarche non plus. Sans s'apparenter à celle d'un ivrogne, elle n'était pas des plus assurée, ce qui, à cet endroit, et à cette hauteur, représentait un potentiel risque d'accident pour le moins irréparable. Mais jouer avec le feu était un peu comme une seconde nature chez notre homme. Il avançait avec lenteur, le long du muret le séparant du vide et des douves dont la menace de récurage représentait depuis toujours la principale punition réservée à ceux qu'on voulait mettre au pas. Son mantel noir ouvert découvrait sa tunique de cuir du même ton. A sa ceinture l'accompagnaient ses deux armes. Ce simple petit poignard qui ne le quittait jamais depuis son retour et l'épée reçue en Bourgogne qu'il arborait de plus en plus fréquemment. Ses cheveux gris détachés encadraient son visage marqué mais qui reprenait des couleurs jour après jour. Il ne se départirait jamais surement de certains airs qui constituaient profondément ce qu'il était désormais, mais son aspect de cadavre ambulant disparaissait peu à peu, vaincu par les efforts et le soutien de ceux qui s'étaient résolus à le considérer comme parfaitement vivant.

La route n'était pas plane et droite, cependant. Les épreuves s'accumulaient et les souvenirs refluaient au fur et à mesure des rencontres. Ellesya avait été la première qu'il avait affrontée réellement. Par amour et par besoin il s'était livré à son jugement et ne l'avait pas regretté. L'oncle fantôme s'efforçait à cultiver ce lien qu'il avait toujours laissé en sommeil. Le chemin était long, encore, mais les bases se construisaient solidement et le confortaient dans son idée qu'il agissait avec raison, pour une fois.

Mais si sa nièce avait eu la force et l'envie de lui pardonner, de lui donner la chance de se faire une place dans ce cercle qu'il souhaitait rejoindre, il était d'autres retrouvailles, auxquelles il ne s'était pas préparé, qui ne s'annonçaient pas exactement de la même manière.

Le rempart, Ryes, la bouteille, la nuit... tout était lié. L'ombre d'une pivoine planait au-dessus de lui malgré l'absence de clarté et le ramenait à ses actes et ses choix passés. Il savait où elle se trouvait. Il savait l'aspect inévitable de la confrontation. Et pourtant... Une fois encore... Il doutait. De sa force, de la pertinence de ce choix, de ses bienfaits. Et ingurgiter cet alcool ne lui apportait aucune certitude. Embrumé par les vapeurs et le liquide, son esprit dérivait au fil de ses pensées confuses.

Ce passé, toujours. Cette chaine accrochée à sa jambe. Ces marques au fer rouge gravées dans sa chair dont la brulure n'acceptait que temporairement de s'apaiser. Il s'était construit en regardant en arrière, et se défaire de cette habitude s'apparentait à une quête des plus ardues. Ils avaient tous été trop forts, trop grands. Ils étaient partis bien trop vite et l'avaient laissé seul avec cet héritage, le regardant se débattre de là-haut.

Oui, c'est aussi de la colère qui l'animait ce soir et elle s'exprima soudain alors qu'il marqua un arrêt sur le chemin de ronde. Tournant son regard vers le ciel, portant à ses lèvres la bouteille et laissant s'écouler le liquide dans sa gorge avant de lancer d'un air de défi pas franchement maitrisé.

Seule la mort met fin au devoir hein ? Bah regarde, elle a pas voulu de moi. Je suis toujours là. Et j'fais quoi moi maintenant ? Je continue ton oeuvre ? Je fais couler le sang et je détruis des âmes ? C'est ça ton héritage chevaleresque ? Tu parles d'une blague...

Nul besoin de dire son nom. Il ne pouvait de toute manière pas répondre. Et dans un soupir le Loup s'adossa au parapet de pierre, reprenant une gorgée pour combattre le goût amer du regret qui s'installait dans sa bouche. Non, il n'irait pas. Il ne répèterait pas l'histoire. Elle n'avait pas besoin de lui. Il renierait, pour une fois, son trop pesant héritage.

Non Pivoine... Je ne t'infligerai plus ce qu'on m'a fait...

Un souffle dans la nuit sombre. Un murmure alcoolique extrait d'un esprit tourmenté. Une âme de jeune dans un corps de vieux. Petit louveteau deviendra grand... ?
Revenir en haut Aller en bas
Bralic

Bralic


Nombre de messages : 1000
Grade : Si vous ne le savez pas, vous n'avez rien à faire là.
Date d'inscription : 20/04/2005

Feuille de personnage
Nom: Bralic Fauconnier d\’Isles Montbarrey
Rang de noblesse: Vicomte (X2) et Baron
Rôle/grade: Lieutenant-Commandeur

[RP] De la Fonte dans les Plumes Empty
MessageSujet: Re: [RP] De la Fonte dans les Plumes   [RP] De la Fonte dans les Plumes EmptyMar 11 Aoû 2015 - 0:25

Du sommet des remparts de la forteresse de Ryes, à plus de cinq toises au dessus du reste du monde, le regard peut sans difficultés aucunes embrasser la mosaïque de couleur de la plaine. Au sud, les champs de blé murs aux épis dorés balancés par le vent semblent s'étendre jusqu'aux toitures rouges et orangées de Bayeux. A l'Est et à L'Ouest, des bosquets verts et bruns de bois de chauffe succèdent aux sinoples plus foncés des pâtures, aux verts tendres des bocages et aux toits de chaume brune des fermes de l'ordre. Dans ce tableau, l'oeil exercé peut voir de-ci de-là s'agiter les silhouettes lilliputiennes de familles entières de métayer occupés à vivre leurs vies comme autant de fourmis, leurs chants de travail couverts par les cris irréguliers des mouettes portées par le vent du nord. Avec le vent dans les cheveux et l'odeur piquante, iodée, de la Manche comme seules compagnies, il est facile de se laisser aller à ressentir une impression de détachement, de recul... Comme si du haut de cet échafaudage de pierre on pouvait dominer le monde, ce monde en tous cas.

Il n'est ainsi pas rare de voir la silhouette d'un membre de l'ordre appuyée sur les créneaux, observant le vide en silence. La cape soulevée par les bourrasques, l'esprit perdu dans le vague en quête de réponses à ses questions et à ses doutes, cherchant dans la beauté et la magie d'un lieu à mi-chemin entre la terre et le ciel la transcendance qui lui permettra d'avancer dans un monde souvent empli de sang, de fureur et de regrets. Et il est aussi courant, lors des chaudes journées d'été, quand le vent frais de la mer descend vers le sud et rencontre les masses d'air chauffées par les toitures des villes, que se forment de puissants orages.

La beauté de la tempête, les stries de foudre sabrant le ciel comme autant de lances bleutées, le roulement de tambour céleste produit par le tonnerre, auraient pu être à eux seuls une excellente raison de se trouver ici en ce début de nuit. N'importe qui aurait été saisi, d'effroi ou de contemplation, par le spectacle naturel se jouant au loin... mais l'homme présent sur les remparts ce soir là n'était pas n'importe qui... encore qu'il en vienne de plus en plus régulièrement à se poser la question de son identité. Lui, le spectacle le laissait de marbre. Si les ténèbres nocturnes s'étaient étendus sur Ryes et ses environs depuis quelques dizaines de minutes, cela faisait maintenant plusieurs semaines qu'elles avaient recouvert l'esprit du chevalier comme une chape de plomb y piégeant les vapeurs d'alcools et l'odeur acide de sa bile.

Il avait besoin de réfléchir, de s'isoler. De tranquillité pour faire le point dans la marée hurlante qu'était devenue sa vie depuis son retour. Tel un marin ballotté par les flots, il cherchait désespérément quelque planche de salut à laquelle se raccrocher et raccrocher sa vie. Comme un homme rentrant chez lui après un long voyage, tout ce qu'il voyait lui semblait à la foi familier mais emprunt d'une profonde différence. Il errait comme une âme en peine à travers la forteresse, portant parfois sur les murs le regard hagard de celui qui cherche les restes de sa demeure dans les décombres fumants de son village. Un regard qu'il avait eu l'occasion de voir mainte fois par le passé.


Certes, la licorne était toujours là... mais ce n'était plus la même.... Ses amis, ses mentors, ses frères et soeurs d'armes... presque tous étaient morts ou disparus. Reprendre sa vie telle qu'il l'avait laissé lui était impossible. Et à dire vrai il ne savait trop que faire. Tisser de nouveaux liens l'avait aidé, mais sa nature l'encrait dans le passé. Dans les regards de ses amis, dans les sourires fraternels qu'il ne reverrait plus. Dans les souvenirs de ces grands noms qu'il avait côtoyé, qu'il avait observé, qu'il avait suivis pour essayer de devenir l'un d'eux. Une légende à son tour... peut-être... non...

Et dire que c'est là tout ce qui restait d'eux, des légendes... des portraits sur les murs... des bibelots suspendus ça et là au hasard des murs de la galerie des braves. Rien qui ne soit susceptible de remplacer le rire gras de Rassaln quand il observait les jeunes cavaliers essayer de monter pour la première fois un jeune étalon. Chaque confrontation avec une de ces relique, avec un des chevaliers qu'il ne connaissait pas... ou pire, dont il avait connus l'aïeul, enfonçait une lame acide de plus dans son estomac. Ce qu'il aurait aimé voir au lieu de ces pathétiques souvenirs, c'est le sourire en coin de Deny après un bon mot de Stannis. C'est entendre Bralic abreuver les recrues d'injures et les menacer des pires représailles, tous fils de ducs qu'ils soient, s'il les reprenait encore à jouer aux cartes pendant leurs heures de gardes. Même devoir assister au bilan trimestriel du haut conseil de l'ordre lui aurait procuré un intense plaisir pour peu que cela soit sous la houlette de Guillaume et qu'on y retrouve toute la mauvaise foi mâtinée de respect dont ses frères étaient capables.

Et lui se trouvait là... au milieu de ce champ de souvenir qui faisait de son esprit un champ de bataille. Tous les « Grands » étaient morts.... et pas lui... il ne devait donc pas être grand. D'ailleurs il ne l'avait jamais été, c'était ses modèles qui l'étaient. Lui n'était qu'un simple bâtard essayant d'obtenir au sein de cet ordre la grandeur qu'il n'aura jamais de par le nom.


Mais pourquoi d'autres avaient-ils réussis là où lui avait échoué ? Réussis ? A quoi ça les avaient menés tous ? A disparaître... voilà tout: Erwyn, Bralic, Deny, Enox, Rassaln, Nith, Stannis, Kratos, Zalina... Les noms s'enfilaient dans son esprit comme les perles sur un chapelet. Filant, s'entrechoquant, s'égrainant... jusqu'à l'un d'entre eux : Cerridwen


Cerridwen... Pivoine... Cela était encore possible... Mais était-ce souhaitable ? Non... En serait-il seulement capable ? D'autres ne se seraient pas poser autant de questions... ils auraient agis... ils auraient su comment faire. Ils l'auraient fait car c'était ça aussi être une licorne. C'était accomplir son devoir. Faire ce qui devait être fait...

Le devoir...



La solitude... La solitude pour aider à la réflexion... La solitude pour aider à la prise de décisions... Mais on est jamais vraiment seul quand on a une bouteille par devers soi. Une bouteille vide... Une de plus à ajouter au compte de celles trônant sur son bureau.

Ça lui donnait envie de vomir... cet alcool, ce devoir, cette vie, cette mort qui n'a pas voulu le prendre alors qu'elle s'est saisie de tant d'autres aussi compétents... plus compétents même...

Et qu'est-ce qu'ils auraient fait, ces « Grands » ? Qu'est-ce qu'ils auraient dit ces salauds qui l'ont abandonné ? Ce grand con de Bralic, avec son accent à couper au couteau qui lui donnait toujours l'air plus idiot et brutal qu'il ne l'était, il aurait sûrement sortit un truc du genre :


Tu as raison, je t'ai menti.
Il y a bien plus d'une façon de mettre fin à son devoir.
Revenir en haut Aller en bas
Rhuyzar

Rhuyzar


Nombre de messages : 2880
Grade : Chevalier Errant
Date d'inscription : 17/09/2006

Feuille de personnage
Nom: Rhuyzar
Rang de noblesse: Chevalier
Rôle/grade: Chevalier Errant

[RP] De la Fonte dans les Plumes Empty
MessageSujet: Re: [RP] De la Fonte dans les Plumes   [RP] De la Fonte dans les Plumes EmptySam 22 Aoû 2015 - 5:10

Son et Lumière

I mess up this time
Late last night
Drinking to suppress devotion
With fingers intertwined
I can’t shake this feeling now
We’re going through the motions
Hoping you'd stops



Tempête sous un crâne. Un éclair traversant la nuit, striant le ciel de toute la force de sa lumière infinie. Une zébrure, une faille, une immense déchirure qui ouvrait la voie à tout le reste, à tout ce qui ne devait et ne pouvait jamais être. La clarté puissante, l'espace d'un bref instant, prenait alors toute la place, ne laissait plus aucun vide, balayait tout et le remplaçait par la cendre d'un rien au goût amer du regret. Traçant sa route dans le néant, la lumière imposait, dirigeait et ne souffrait aucune contradiction. Si sa vitesse lui conférait la nature éternelle du fugace, son emprunte pesante et violente pouvait s'appesantir jusqu'à une fin dont le temps n'était pas décideur, ne le serait jamais.

Après l'éclair, le tonnerre. Le craquement sourd et profond. Ce long écho, rappel de la fulgurance qui lui oppose toute la masse de son silence qui ne veut pas revenir. Et qu'est-ce que la forme sinon une chaine ? Un carcan aux reflets de mensonge qui rassure parce qu'il n'est ni changeur ni réellement prophète. Un arbre eut pu s'écrouler, entrainer ses feuillages, la vie s'y nichant, préservée par toute la force de sa robustesse. Une roche eut pu glisser, entrainer un éboulement, tout bouleverser sur son passage et tracer un sillon sanglant dans la terre. Une vague océane, teintée d'écume, roulante, aux formes généreuses et aux courbes maternelles, eut pu s'écraser sur une falaise, charger la pierre et y mourir dans un fracas digne de toute l'immuabilité de son odyssée. La terre eut pu trembler. Le ciel eut pu mourir. Ishtar du haut de sa Porte eut pu hurler des larmes de sang.

Et la bouteille glissa des doigts à la prise mal assurée, roula sur le sol et teinta faiblement contre le bord du rempart.

Eclair et tonnerre, l'orage était là, Destructeur.

Tu as raison, je t'ai menti.
Il y a bien plus d'une façon de mettre fin à son devoir.

Pourquoi maintenant ? Pourquoi aujourd'hui lui répondait-il enfin ? Pourquoi tout ce temps, cette attente inutile et douloureuse ? Où avait-il été quand dans la solitude de son bureau, dans la froideur glacée des catacombes, penché sur une carte, des plans, des courriers aux allures douteuses et criminelles, il avait prié pour sa présence, ses conseils, ses lumières ? N'avait-il jamais vu, tout ce temps passé, que le mantel qui pesait sur ses épaules reflétait désespérément celui qui s'était consumé sur ce bucher érigé à la mémoire du Dernier des Comtois ? Imperceptible ironie, cruelle pirouette d'un destin qui se figurait surement que jouer et agiter les fils avait plus d'intérêt véritable que de les maintenir droits et les orienter dans la bonne direction.

La bouteille était vide. Seule une goutte, survivante d'un carnage alcoolique et assoiffé, s'essayait péniblement à perler et à s'extraire du goulot allongé, vaincu, terrassé. Tout le vin, celui-là, et l'autre, avait voyagé à travers tout son être, s'était répandu dans tous ses sens, les avait conquis, maitrisés et en avait pris possession avec rage et démence. S'il était là, porté par ses jambes qui ne couraient plus aussi vite qu'avant, c'était parce que s'échapper de la cage de pierre à l'intérieur de laquelle il ourdissait était devenu une question intime de survie. Bête enfermée, fauve entravé, il n'eut pu que tout ravager, déclencher la tempête et se battre avec lui-même, une fois encore, jusqu'à l'épuisement. Mieux avait valu la fuite, l'échappatoire de l'air libre et de ce chemin de ronde baigné par la nuit et la solitude. Car là, il n'y avait plus son reflet, il n'y avait que ses Ombres.

Et la plus terrifiante, la plus puissante surement, se dressait face à lui, répondait à son délire d'ivrogne, à sa complainte de vieux Chevalier abattu par la force du temps et les réjouissances des Hommes. Ersatz d'un être, résurgence d'une mémoire ou simple hallucination collective de sa solitude profonde ? La nature avait-elle seulement une quelconque importance dans cette confrontation qui s'annonçait dantesque autant que bouleversante ? Je pense, je chasse, je suis. Et si je dis, n'est-ce pas au fond un peu la même chose ?

C'est pas vrai ! C'est pas vrai ! Il n'y a que la Mort ! Il n'y a qu'elle au final qui décide, qui prend et qui achève ! Regardes-toi ! Même toi elle t'a pris ! Même toi il a fallu que tu ailles mourir devant ce Temple qui t'avait vénéré ! Sacrifié ! Tu t'es encore sacrifié ! Pour ce putain de pays qui n'a jamais su t'aimer ! Pour ta putain de femme et ton putain de fils qui n'ont jamais compris ! On n'a jamais pu leur expliquer ! Regarde ce que je suis devenu ! Contemple ton oeuvre Destructeur ! Regarde ce que j'ai accompli et détruit en ton nom ! Vois les corps qui s'amoncellent sur mon sol et ose me dire qu'à la Fin ce n'est pas la Mort !

Rage, haine, passion, cris déchirants d'une bête blessée jusqu'à l'orgueil, jusque dans sa Foy. Revenant pantois d'un voyage qu'il n'aurait jamais du accomplir, face aux décombres de sa vie, les ruines d'une existence laissée à l'abandon, à la merci des herbes folles de l'oubli et du chagrin. Qu'était-il sinon un souvenir un brin désuet d'une époque beaucoup trop révolue pour qu'il soit vital de la réanimer ? Son Devoir n'avait-il pas pris Fin dans sa fuite éperdue vers cette Mort qui jamais ne se pointait au rendez-vous ? Ne s'était-il pas vidé de toute son essence, de tout son sens face à ce temps qui n'attendait jamais ceux qui avaient besoin de s'arrêter ? Alors pourquoi la Mort ne venait-elle pas ? Pourquoi n'était-ce pas la Fin ?

Et je dois encore faire comme toi ? Je dois la retrouver et achever ce que j'ai commencé ? Je dois finir la quête du Corbeau et porter ce dernier message de Mort pour que tout soit comme cela doit être ? Mais pourquoi bon dieu ? Pourquoi est-ce qu'on n'a pas le droit de vivre, de sourire, d'aimer comme tous ces imbéciles qui ne savent même pas de quoi se composent leurs propres cauchemars ? Pourquoi est-ce qu'elle n'aurait pas le droit au silence, à la paix, à l'oubli ? Je vais lui donner quoi ? Une fin glorieuse sur un champ de bataille, au milieu de ces gamins qui vomissent leurs tripes sans même savoir pourquoi on les a plantés à coups de piques ? Une mort débile dans un caniveau des Miracles à vouloir poursuivre un quelconque traitre qui aura encore voulu renverser le Monde sans comprendre qu'on ne renverse pas ce sur quoi notre botte est posée ? Il va se passer quoi hein ? Tu peux me le dire ? Elle va pleurer ? Elle va me frapper ? Me tuer qui sait ? Elle n'est pas plus heureuse sans moi ? DIS LE MOI BON DIEU !

Orage contre orage. L'explosion des éclairs et l'union parfaite de ces tonnerres qui parcouraient la surface du Monde. Le Fer face aux Crocs. Première résurgence d'une bête qui sentait que son heure venait dans le sang, les coups et la dualité évidente. Toujours par deux. Jamais seul. Tempête sous un crâne.

Dis-moi qu'elle est plus heureuse sans moi. Bralic, dis-le moi...

Ou mens-moi, je m'en fous...
Revenir en haut Aller en bas
Bralic

Bralic


Nombre de messages : 1000
Grade : Si vous ne le savez pas, vous n'avez rien à faire là.
Date d'inscription : 20/04/2005

Feuille de personnage
Nom: Bralic Fauconnier d\’Isles Montbarrey
Rang de noblesse: Vicomte (X2) et Baron
Rôle/grade: Lieutenant-Commandeur

[RP] De la Fonte dans les Plumes Empty
MessageSujet: Re: [RP] De la Fonte dans les Plumes   [RP] De la Fonte dans les Plumes EmptyVen 25 Déc 2015 - 1:05

A dextre, le vivant aspirant à devenir une ombre gesticulait sa haine et sa rancune, tempêtant comme le climat comme un diable en cage. A senestre, une ombre fuligineuse n’aspirant plus à rien depuis longtemps se tenait dans l’encadrement d’une poterne, raide comme la camarde personnifiée. Tel un amateur de vieil alcool écoutant patiemment le débit décousu et insensé d’un vulgaire ivrogne, le mort dardait sur le chevalier à la bouteille un regard vidé de toutes expressions. Eut-il été encore capable de ressentir quelque chose que le cadavre aurait sans doute été heurté de plein fouet par ces cris de l’âme. Mélanges bouillants et incisifs de colère, de jalousie, de frustration et de culpabilité. Eut-il été encore capable de ressentir quelque chose que le mort aurait sans doute partagé ces mêmes sentiments, et que tel un miroir la colère aurait répondu à la colère, la violence à la violence.
Les poings se serraient crispés.

Les mâchoires se serraient serrées.
Le verbe aurait laissé place aux actes, et pas de ceux que l’on pourrait dire digne de chevalerie. Telles deux bêtes avides de sang, le mort et le vivant se seraient jetés à la gorge l’un de l’autre. Sans pitié, sans respect, sans règles. Car quand deux amis véritables se blessent, la douleur est trop grande pour supporter le cadre serré d’un duel pour l’honneur. Un honneur que de toute façon, les deux loups ne savaient être qu’une façade.

Au lieu de cela, le mort ne cilla point.
La silhouette prit son temps pour répondre, le silence comme écho nocturne aux explosions de l’orage… un silence de mort semblant s’étendre sur plusieurs mois. Laissant l’orage éclater et les insultes tomber à gouttes grosses comme la pluie. Laissant les mots s’écraser en explosions sombres et minuscules sur les pierres taillées de l’antique forteresse. Quand tous furent crachés et que seul le ciel avait encore quelque chose à déverser, l’ombre glissa sur le sol humide, collant aux murs, se rapprochant petit à petit des remparts comme pour écraser le vivant dans la nuit.
A moins que cela ne soit le poids d’une chemise trempée compressant la cage thoracique d’un ancien malade.

L’éclat stroboscopique d’un nouvel éclair vint un instant faire disparaitre le visage blafard de feu Hubert Abel Victor Fauconnier. Et quand l’oiseau de proie réapparut ce ne fut qu’à quelques centimètres de la corneille, provoquant instinctivement un mouvement de recul surpris.


Comme par le passé, les yeux verts mouchetés d’ocre plongèrent dans ceux sinople profond de Rhuyzar. Le froid brulant de leur dureté rappelait ce regard que l’ancien commandeur plantait dans l’âme des prisonniers attachés aux chevalets de torture, dans des sous-sols de la forteresse depuis longtemps oubliés. Les hurlements des âmes tourmentées pouvaient presque faire échos au grondement bestial du tonnerre.

 
Tu me demandes de te mentir ?
 
Le ton de la question était mi-surpris, mi-accusateur. La voix, celle entendue maintes et maintes fois, avec cet accent aux voyelles traînantes, bas, lourd comme cette neige de l’Est qui s’accroche aux bottes et vous empêche d’avancer jusqu’à ce que vous tombiez à genoux. Et cette façon de faire danser les mots, en jouant sur les pauses avec un air conspirateur, si typique des fois où le vieux tueur se penchait vers un jeune blanc bec qui se pensait plus fin que les autres pour lui asséner sans ambages ni pitié ses quatre vérités… Une façon de parler vous donnait l’impression que cet homme allait vous confier un secret, et que ce secret était l’heure de votre mort.
 
Pour qui me prends-tu pour ainsi me demander de jouer du hautbois  sur commandes ? Pour un politicien ? Pour l’adjoint au maire de Saint-votez-pour-moi ? Pour un Duc emperlouzé cherchant à cacher à son peuple ses problèmes d’élection ?
 
Un nouvel éclair vint briser l’échange, comme le point culminant à une montée de ton de la menace vers l’agressivité contenue. Et quand le fantôme revint brouiller la vision du fou aux cheveux blancs, sa silhouette se trouvait maintenant adossée aux hourds, seuls abris face aux bourrasques de vent fouettant avec force le sommet du château. Les antiques échafaudages blanchis par des décennies d’intempéries tremblaient et sifflaient comme les ossements d’une gigantesque bête. Les bras croisés, le menton baissé comme pour se protéger des trombes, les ombres flottaient autour de l’ancien maître des imperceptibles comme si elles suivaient les battements du long manteau noir qui le drapait de son vivant.

La vérité et le mensonge sont des outils, des outils puissants. Et en tant que tels ils doivent être mis au service d’un objectif. Te servir la soupe, bonne ou mauvaise, n’en a jamais fait partie. Mon objectif a toujours été le même : garantir et accroitre le pouvoir de l’ordre. Et m’assurer que le royaume reçoive toujours sa bonne dose d’ordre, et de désordre, pour assurer qu’un minimum de gens ne voient leurs maisons pillées, leurs récoltes brulées, et leurs filles violées par des soudards au service d’une prétendue « élite » couronnée en mal de grandeur.
J’ai essayé, et j’ai la prétention de croire que j’y suis bien arrivé.
 
Un coup de vent violent vint fouetter le visage trempé du corbeau, faisant exploser les hourds en un concert de craquements et de sifflements sinistres. L’ombre avait maintenant les pieds dans une flaque profonde et noire, qui semblait s’écouler depuis son corps.

Alors oui, j’y ai laissé ma peau. J’ai fini massacré de la plus horrible façon, poignardé par mes amis plus de fois que César lors des Ides de marche. Oui, j’ai laissé derrière moi une veuve à demi-folle et un gamin à peine sevré avec assez d’or et de responsabilités politiques pour rendre leurs vies et celles de leur descendance impossible. Et ce n’est rien comparé à la réalité du nombre de vies que j’ai effacé d’un simple trait de plume, d’un simple carreau d’arbalète, d’un coup d’épée ou d’un simple mot : qu’il soit mensonge ou vérité.
Mais j’aime à croire que toutes ces vies sacrifiées sont bien moins nombreuses que celles que j’ai contribué à sauver.
C’est ça mon œuvre.

Pas tes petits problèmes d’humeur et d’incertitude dignes d’une pucelle en période de menstrues.

Un de ces sourires en coin mesquin vint se dessiner sur la face toujours rasée de près du fantôme. Un de ces sourires qui pourrait passer pour être fait de pure cruauté mais que Rhuyzar avait depuis longtemps appris à connaitre comme étant la marque d’une profonde lassitude, d’une compréhension, voire d’une pitié camouflée.
 
Tu n’es pas ma création. Tu ne l’as jamais été. Tu n’es que le résultat de tes propres choix. C’est toi, et toi seul, qui a choisi de marcher sur mes pas. Et m’accuser d’être à l’origine de tes malheurs ne vise qu’à essayer de te décharger de ta propre responsabilité.
Et ce que je dis pour moi est tout aussi valable pour Rassaln, Deny, Guillaume et les autres.

Une nouvelle bourrasque de vent inclina la pluie, giflant la joue de celui qui ne fut qu’un apprenti, et qui en cet instant semblait retrouver à nouveau cette place. Le froid était mordant, la pierre glissante, et soudain le monde sembla perdre pied et danser devant les yeux du corbeau. Un pas de coté, un pas de l’autre, le torse qui rencontre une masse froide et trempée, les mains qui agrippent pour ne pas tomber… et quand les choses reprennent leurs places voici l’animal appuyé sur un créneau, le nez dans le vide, surplombant l’abysse.
A son coté, regardant les ténèbres elle-aussi, l’ombre faisait fi du froid et de l’eau. Les coudes appuyés sur le rebord avec la nonchalance de celui pour qui mener sa vie au bord du vide est devenu coutume. Des minutes passèrent, laissant au chevalier qui ne l’était plus le temps de reprendre son souffle. Puis, le regard toujours plongé dans le vide, l’ombre parla à nouveau.


Il y a bien d’autres façons de mettre un terme à son devoir. La mort n’en est qu’une. Mais avant de te dire lesquelles, il serait bon que tu te poses la question de savoir « quel est ton devoir ».


Dernière édition par Bralic le Sam 26 Déc 2015 - 22:55, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Rhuyzar

Rhuyzar


Nombre de messages : 2880
Grade : Chevalier Errant
Date d'inscription : 17/09/2006

Feuille de personnage
Nom: Rhuyzar
Rang de noblesse: Chevalier
Rôle/grade: Chevalier Errant

[RP] De la Fonte dans les Plumes Empty
MessageSujet: Re: [RP] De la Fonte dans les Plumes   [RP] De la Fonte dans les Plumes EmptySam 26 Déc 2015 - 21:26

Ambiance


Et une fois de plus, la forteresse de Ryes se transformait en monstrueux théâtre des rêves, en allégorie ténébreuse, comme un écho profond et vivant de l'âme de ces êtres qui l'avaient occupée, arpentée et hantée de toute la puissance de leurs espoirs et de leurs craintes. La scène avait quelque chose de profondément fantasmagorique. Un quelconque passant, ou un garde en patrouille serait certainement resté sans voix face au spectacle auquel il lui aurait été donné d'assister. Car là, subissant les assauts de l'orage, les rafales du vent, le martèlement sonore de la pluie qui tombait dru, se dressait le vieux Loup aux Ailes Noires et à la chevelure mêlant sans distinction le gris des cendres et le blanc de la neige. Tout dans sa posture et son attitude indiquaient qu'il livrait un combat, une lutte dantesque face à un ennemi invisible. Et seul un éclair jaillissant du noir profond pour zébrer la nuit dans un flash aveuglant permettait d'apercevoir la bouteille qui gisait à ses pieds. La clef du mystère autant que la plus fondamentale des questions.

Mais pour l'heure, aucun témoin ne vint ajouter sa présence à celles des deux fous qui se livraient à un puissant dialogue digne d'une presque mauvaise tragédie grecque. Le Chevalier se suffisait à lui-même, plantant le décor et les acteurs à la perfection. Le registre était maitrisé au-delà de l'imaginable et la réponse du Destructeur se révéla proche de la perfection, s'agissant de le toucher en plein coeur. Elle le balaya littéralement, emportant édifice et fondations, réduisant à l'état de poussière ridiculement fine tout le cheminement suivi par son esprit. Accusateur, il se retrouvait pointé du doigt, mis face à ses propres actes et sa propre vie. Face à ce serment qu'il avait prêté dans la grande salle du Chapitre sans que quiconque ne l'y ait obligé en lui menaçant la gorge d'une lame. Face aussi à la multitude de décisions qu'il avait prises, faisant sien cet idéal et cette vision du monde et de la manière de le servir efficacement. Tous ces morts, toutes ces manipulations n'étaient l'oeuvre de personne d'autre que lui. Personne ne l'avait poussé dans les affres des remèdes qui tuent autant qu'ils fortifient. La seule raison impérieuse qui l'avait guidé dans cette voie était celle qu'il avait décidé de suivre. Si ses anciens exemples, le Destructeur en tête, lui avaient laissé à voir de quelle nature était leur existence, aucun d'eux ne l'avait entrainé sur cette route. Parce qu'un tel sacrifice ne se pouvait être que consenti, autrement, il consummait...

Un nouveau flash lumineux vient révéler un autre instant fugace du tableau. Et les traits du Corbeau s'étaient froidement reformés. De son visage tordu par la colère, les regrets et l'amertume, il ne restait plus que de vagues indices à peine perceptibles. Apanage du Chevalier ayant presque tout vécu, tout traversé. Ayant vu la mort de si près qu'il avait pu cueillir sur le bout de ses lèvres un baiser d'une froideur infinie et d'une douleur absolue. Le frapper était possible. Le blesser ne relevait pas du miracle. Mais le tuer... Même par la force des mots, relevait d'un défi au-delà de l'imaginable. Parce qu'il avait trop manié cette arme pour la laisser le détruire. Nécessité faisant loi, il s'était forgé à cet art millénaire, le plus puissant de tous. Si duel il devait y avoir cette nuit, l'issue n'en était pas encore certaine.

Alors ne me mens pas Commandeur. Ombre terrifiante de tous les endroits que tu as fréquentés et écrasés de ta présence. Toi qui forgeas cette arme qui rendit notre Ordre puissant au-delà du raisonnable et qui t'en servis pour en démontrer la finesse du tranchant et la robustesse de la lame. Ne me mens pas, mais réponds à ma question. Est-elle plus heureuse sans moi ?

Un pas en avant. Une lueur colérique passant fugacement dans son regard profond. Le Loup n'avait plus la force et l'aisance de ces années de jeunesse ou de maturité précédant l'aube du déclin, mais tout ne pouvait disparaitre en un unique claquement sonore de doigts. Pas quand on avait été autant imprégné de tout ce qu'il fallait développer au service d'une cause. L'alcool lui servait d'exutoire, il n'en avait là plus besoin. Il avait bien meilleure source à laquelle s'abreuver. Celle du souvenir et de la confrontation impossible avec l'homme qui avait représenté à ses yeux l'Ordre qu'il avait plus tard incarné. L'occasion de dissiper le voile du mythe et de briser le conte de fées pour enfants en mal de traumatismes. Erwyn avait joué au revenant farceur. Rassaln s'était démystifié tout seul au crépuscule tumultueux de son existence. Mais Bralic, lui... était juste mort en silence et emportant le secret. Sa vie ôtée par cette ultime décision, ce sacrifice final qui avait pris des airs d'expiation tardive. Il n'avait pas pu, comme avec les autres, faire le deuil de cette perte et l'avait remplacé par le poids du souvenir et de l'héritage, avivant ainsi la présence durant toutes ces années. N'était-ce pas là, au fond, le véritable reproche ?

La mort t'a pris. Elle n'a pas voulu de moi. Arrivé à ses portes, elle m'a renvoyé. Pour une raison que je ne m'explique pas, qui n'a pas de sens. Et j'ai lutté pour retrouver mon titre de vivant, pour revenir dans ce Royaume et y constater la ruine et les changements que je craignais et que j'ai combattus. Est-ce là la raison ? Me donner à voir ce que je n'ai pu empêcher ? Est-ce une punition pour ma chute que de m'offrir le spectacle de ceux qui sont partis pendant mon absence et de ceux qui sont restés sans savoir que j'étais en vie ? Dois-je boire le calice jusqu'à la lie et le partager ? Une dernière fois Corbeau ? Messager de la nuit, de la mort et du chaos ? Est-il là, ce devoir dont seule la mort peut me libérer ?

La colère revenait. Sourde et plus violente encore. Se passant de cris, de rage et de gesticulations. La pire de toute, celle qui ne s'affiche pas et se contente de peser sur les mots assez fort pour qu'ils deviennent des couperets ne ratant jamais leur cible. Parce qu'il savait qui lui faisait face et à quel point il lui fallait chercher au fond de ses tripes pour lui répondre. L'homme seul capable de s'esclaffer face à ce qui devenait maintenant de pathétiques élucubrations d'ivrognes.

Tu as gagné Bralic. Vous n'êtes pas fautifs. Je le suis d'avoir emprunté cette voie, de l'avoir suivie aveuglément et d'y avoir égaré la moindre petite parcelle de mon âme.
Mais il n'en reste pas moins que j'ai un choix à faire, une décision à prendre qui m'implique autant qu'elle l'implique elle. Et si tu es là ce soir, ce n'est surement pas uniquement pour me rappeler qu'avant d'être de cendres tu avais un visage, une voix et un esprit. Tu en as vu pousser bien assez des jeunes Licornes, pour savoir que ce qui est ancien pèse de tout son poids à son réveil. Alors je dois choisir. Vérité ou mensonge ? Violence ou nécessité ? Dois-je me contenter d'être le Loup instinctif ou le Corbeau calculateur ?


Un léger sourire sardonique étira ses traits. Il s'appuya contre le rebord de la muraille, trempé jusqu'aux os par la pluie qui ne cessait pas, mais visiblement insensible à son effet. Son regard rivé sur l'ombre qui lui faisait face, au milieu de toutes les autres.

Alors dis-moi Commandeur. Es-tu là pour m'annoncer qu'à mon âge il est temps de commencer à hanter ?

L'humour, dit-on, est encore la plus formidable des armures.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





[RP] De la Fonte dans les Plumes Empty
MessageSujet: Re: [RP] De la Fonte dans les Plumes   [RP] De la Fonte dans les Plumes Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
[RP] De la Fonte dans les Plumes
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Y a du baton dans l'air....
» HOLA! LA D'DANS!
» Dans les couloirs
» Duel dans les catacombes
» La guerre dans le Sud Ouest

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Ordre Royal des Chevaliers de la Licorne :: Première enceinte :: Les Remparts, les tours et les portes-
Sauter vers: