[RP] en attendant sur les remparts pour les débuts dans l'ordre de Theodhene

Averti de l'arrivée de celui qui, il y avait des mois de cela, avait été accepté comme homme d'armes, le Flamand quitta sa chambre-bureau-cellule. Il n'était équipé que simplement, d'un gambison clouté noir et de culottes de cuir bouilli du même. Chacun de ses pas renvoyait le son de bottes ferrées et les oreilles les plus fines parvenaient à distinguer, sous le froissement des draps de sa cape d'azur où se cabrait la Licorne d'argent, le battement du fourreau de son épée. Rapidement, mais sans empressement, Guillaume gagna les remparts, et avec eux les souvenirs des combats qu'il y mena, physiquement et métaphoriquement. Il sourit aux visages du passé et du présent, avant de voir se dessiner sur l'horizon une silhouette qui ne lui était encore guère connue.

Tendant une main gantée de cuir – le froid commençait à se faire sentir en cette mi-octobre – et affichant un sourire engageant, il dit : « Guillaume de Jeneffe, Chevalier de l'ordre royal de la Licorne, enchanté. Theodene de Naoned, je présume. »

Au vrai, il n'y avait guère de réelle question car l'homme et sa position lui avaient été signalés par une de ces petites mains qui faisaient vivre et fonctionner la commanderie. Mais il s'agissait là d'une première prise de contact, aussi fallait-il être correct et mettre un minimum de formes. Viendrait bien assez tôt le temps de la rugueuse camaraderie des frères d'armes.

Guillaume commença par acquiescer à la réponse du Naoned. Jusque là, c'était un sans-faute. Bon, ce n'était évidemment pas un grand défi mais il y a toujours, même quand vous êtes sûr de vous, un moment où vous vous dites « Et si en fait je me trompais du tout au tout ? ». Eh bien, cette interrogation toucha aussi l'esprit du chevalier. Mais, presque aussi rapidement, elle en fut balayée par la réponse de l'Orléannais. Orléannais qui, d'un flot de phrase, sembla vouloir ensevelir le Flamand. Celui-ci, trop habitué à la verve des fils de France et d'Europe, ne vacilla guère, enregistrant plutôt les informations, utiles, dont il ferait usage dans le futur entraînement de la nouvelle recrue de l'Ordre.

- Je n'en doute pas. Quoique je préfère vous avertir que vos mésaventures... comptables n'ont échappé à personne, icelieu, et que nous restons attentifs au verdict à venir de la justice royale. Mais, dans tous les cas, cela ne doit pas constituer un obstacle à votre chemin de chevalerie. D'autres sont entrés ici avec, comment dire, un passé plus lourd que le vôtre, et ont toutefois reçu l'accolade de l'adoubement, pour ensuite entrer dans notre légende. Comme je le dis à tous, cette route est longue et exigeante. Trop exigeante, sans doute, aussi nous efforçons-nous d'être plus présents qu'auparavant auprès de nos nouveaux frères. Ainsi, si je serai votre mentor, les autres membres de l'Ordre doivent devenir vos proches, vos amis, vos frères et sœurs, en un mot. Ils sont ici et là, mais n'hésitez jamais à vous inviter auprès d'eux, à nouer des contacts, bref à faire de Ryes, de cette forteresse, une part de votre famille. On ne vous tiendra pas par la main, et on attend donc une autonomie certaine de votre part, mais, en même temps, n'attendez pas qu'il soit trop tard avant de dire que vous vous sentez perdu ou ignoré, que jamais n'advienne ! Vous êtes, dès ce jour, considéré comme homme d'armes de l'Ordre. C'est, pour ainsi dire, le premier échelon dans le cursus d'un Licorneux. Il ne tient qu'à vous, ou presque, de rapidement grimper les suivants.

Après cette avalanche de phrase, le vieux chevalier souffla un instant, laissant son regard voyager, une fois encore, sur la campagne environnante. Et comptant comme cela laisser son interlocuteur emmagasiné les informations ainsi catapultées. C'est qu'il se rendait compte qu'il avait pu être assommant, le Jeneffe.

« Ceci est-il bien clair ? », s'enquit-il ensuite.

- Eh bien, si jamais j'avais douté de votre détermination, je n'en aurais plus le loisir, après avoir entendu tout ceci. Ce qui me rassure, ou plutôt me conforte. On ne se débarrasse jamais vraiment de son passé, sauf quand comme moi on enterre tous ceux qui pourraient en témoigner ou en avoir saisi quelque écho. Et cela, je ne vous le souhaite pas vraiment, car il est alors des moments d'isolement difficilement supportables. Vous êtes ici avec d'autres frères, d'autres sœurs dont les actions ont également été vilipendées, à tort ou à raison. Ils se sont relevés, chacun à leur manière, à leur rythme. Nulle erreur n'est impardonnable, ce me semble. Et la vôtre ne fait pas exception à la règle. C'est aussi cela le sens de la Licorne cabrée. Elle ne se contente pas de paître ou d'être menée à la longe par quelque pucelle, comme nous la décrivent romans et maîtres des universités. Elle refuse le joug, quelle que soit sa nature. Et le passé en est un, quand il ne vous aide pas à grandir et prospérer. Aussi, si demain vous sauvez la vie de la reyne ou vous emparez d'Angers, je ne doute pas que l'on n'en parle bien plus que ce qui eut lieu en Orléans il y a quelques mois de cela.

La rédemption, c'était là aussi ce qu'il recherchait, le Jeneffe. Dans les yeux de tous, dans l'esprit de ses compagnons d'armes, dans les lettres qu'on lui adressait, il la cherchait. Sans pour autant savoir ce qu'il voulait voir effacer. Coupable à ses propres d'un crime qu'il ignorait pourtant, et donc qu'il ne pourra jamais racheter, voila quelle était sa contradiction. Et si en parlant à son nouveau pupille, c'était aussi de lui dont il discourait ? Il s'en rendit compte, finalement. Ayant encore le zeste d'énergie qui l'empêcherait de tout à fait choir dans ces sombres pensées, il donna nouveau tour à leur échange.

« Mais en attendant de pareils exploits, j'aimerais que vous me parliez des hommes et des femmes, de romans, de notre histoire ou de notre présent qui, selon vous, incarne au mieux cette chevalerie et vous donnèrent l'envie d'être des nôtres pour, un jour qui sait, recevoir le tortil. »