[RP] Entretien de candidature de Polonius

Agnès l'avait donc escortée jusqu'à la salle Amoulesolo. Ou quelque ait été les mille autres façons dont Polonius avait pu le prononcer. Et elle était entrée, portant toujours avec elle son maigre paquetage qu'on avait pas pris la peine de fouiller, quand bien même ils n'auraient trouvé là-dedans qu'une paire de braies de rechange, quelques bas de laine, un quignon de pain et une petite outre de cidre éventé.

On lui avait dit de bien tambouriner à la porte, mais manifestement l'écuyère était chargée de l'ouvrir pour elle. Tant mieux, ça lui avait évité un bon dix minutes à se demander si elle avait tapé trop fort, ou pas assez : Taper trop fort aurait certes été un signe de vigueur et de volonté mais aurait aussi pu être interprété comme de l'excès de confiance en soi ; pas assez et elle serait passée pour faible et timorée, ou bien réservée et respectueuse.

Elle entra donc, salua d'une petite courbette qui laissait transpirer par tous les pores l'éducation paysanne qu'elle avait reçue, et attendit tout bonnement que les chevaliers lui donnent la parole, abasourdie qu'elle était par l'audace qu'elle avait eu en postulant, et plus encore par la gentillesse qu'ils avaient de la recevoir, quand elle s'était attendue à se faire tej' sans autre forme de procès.

Axel à la bourre, ou si peu... Une mauvaise habitude mais la distance entre le haras et la forteresse lui donnait un désavantage certain . Elle poussa la porte de la salle qui jouxtait la salle de restauration commune. Le froid s'engouffra à sa suite et elle se dépêcha de refermer derrière elle.

Bonjour à t...

Ah ben non elle n'était pas en retard elle était presque la première ! Une sourire s'étira sur son visage. Et elle reprit ses salutations.

Bonjour je suis Axel, seule et unique chevalier femme de la Licorne... Enfin pour le moment ! Bienvenue à Ryès Poloniaise!

Nombreuses étaient les esgourdes difficiles à contenter semblait-il...

Et elle les salua. L'un après l'autre. Se relevant quand un nouvel arrivant entrait. Se rasseyant, pour se relever dix secondes plus tard. Bredouillait, quand Axel lui adressait quelques mots gentils. Faillit répondre à Walan qu'elle s'appelait Josette au lieu de Polonius, Dieu sait pourquoi, et enfin, manqua de se rasseoir à côté de sa chaise quand Thibérian se présenta.

Vite. Quelque chose.

Si je regarde par la fenêtre et que je vois un arbre, ça va bien se passer.

Elle se tourna vers la fenêtre. Ne vit rien d'autre que les remparts de la forteresse.

Et merde.

Se détendre ?

Ça se voyait tant que ça, qu'elle était nerveuse ? Oh misère. Et voilà. Elle avait tout gâché. Ils partaient d'avance avec un a priori négatif sur elle. Est-ce qu'on recrute quelqu'un qui ne sait pas gérer son stress ? Si elle était ainsi maintenant, que serait-elle au matin d'une bataille, hein ? Impostrice. Elle n'avait rien à faire là. Elle n'était ni forte, ni habile, ni lettrée, ni noble, ni...

Elle ferma les yeux un instant. Prit une profonde inspiration. Les rouvrit.

Ce sont des humains. Ils étaient faits de chair et de sang, comme elle. Ils avaient dû apprendre, comme elle devrait apprendre. Ils avaient été jeunes, comme elle l'était. Et, bordel de merde, ils chiaient tous les jours, comme tout le monde !

Je m'appelle Polonius. Je viens d'un village de pêcheurs près de Dieppe. Ma mère ramassait et vendait des fruits de mer. Elle est morte le mois dernier. Et mon père, mon père... Je crois qu'il avait été seigneur quelque part. Il n'a jamais épousé ma mère.
Du coup je n'ai... Plus d'attaches. Enfin plus vraiment. J'aurais pu rester au village et faire comme ma tante Jacinthe voulait, c'est à dire reprendre le commerce de Maman et épouser mon cousin Jacques, mais apparemment mon père m'a pourri la tête avec des rêves de gloire et je me trouve trop bien pour eux, enfin c'est ce qu'elle dit.
Je ne pense pas être trop bien pour eux. Ce sont d'honnêtes gens, travailleurs et pieux. Mais je sais que c'est pas une vie pour moi. Je veux pas passer ma vie à enfanter et à estourbir des homards. Mon père, il me racontait l'histoire de Jeanne la Pucelle. Elle venait d'une famille misérable, comme moi ! Je ne dis pas que je prétends pouvoir inspirer un roi ou libérer Orléans ou quoi que ce soit, hein, mais juste... Si elle l'a fait, c'est que c'est possible, pour une fille de rien, de prendre les armes et de défendre son pays.
C'est pour ça que j'ai appris à lire. Et quand j'ai appris qu'il y avait un grand ordre de chevalerie à Ryes, et que...

Elle hésita, mais passa.

Voilà. C'est pour ça que je suis là. Pour apprendre, et si j'en suis digne un jour, servir mon roi. Autrement qu'en lui donnant une tripotée de bons petits sujets.

Elle se concentrait sur le Grand Maître. Et ô malheur, celui-ci ne laissait rien transparaître. Elle se dandina un peu, nerveusement, pendant qu'il prenait la parole. Esquissant un sourire, elle répondit :

J'espère que vous me pardonnerez l'audace, Grand Maître, mais j'm'en fiche que ça soit long. Et la dureté ça m'effraie pas. Je suis levée avant le Soleil tous les matins, toute la journée les pieds dans l'eau glacée, à porter des caisses sur l'dos jusqu'à la plage...

Haussement d'épaules.

J'ai réfléchi avant de venir. La seule chose qui pourrait me freiner, c'est...

Elle rougit et baissa les yeux, honteuse, soudainement, de sa condition.

J'ai pas les moyens d'acheter une armure, un cheval et une épée. Si je vends la maison, je pourrai avoir l'un des trois. Et j'ai pas d'autre revenu. Mais je ne voudrais pas être un fardeau pour l'ordre. Je suis prête à travailler en plus de l'entraînement. Ce que vous voudrez. La cuisine, le ménage, les écuries, les latrines... Je ne rechigne jamais à la tache, et je m'en fiche que tout le monde me prenne pour la bonniche.

Honteuse, peut-être, mais déterminée, sûrement.

Elle détourna la tête du Grand Maître, vers qui elle était essentiellement focalisée — puisque, jusqu'à présent, c'est lui qui avait posé les questions. Le colosse blond venait de prendre la parole. Thibérian Baccard. Elle répétait ce nom dans sa tête comme une litanie. Essayait de ne pas être distraite de sa mission première, qui était de réussir cet entretien. Elle n'avait pas prévu qu'il serait là. Qu'avait-il dit ?

La pauvreté n'était pas un frein. L'équipement, bon. C'était une chose. Réalisait-il qu'elle n'avait même pas de quoi financer son hébergement ou ses frais de bouche ? Il faudrait qu'elle vende la maison, quoi qu'il advienne. Pourquoi en revenait-elle toujours à ces questions triviales, quand ils voulaient entendre du cœur et de la morale ? Elle fit un effort pour se concentrer sur la question suivante.

Je la connais mal. J'ai déjà discuté, parfois longuement, avec les quelques chevaliers qui s'arrêtaient à l'auberge du village, mais j'imagine que cela ne suffit pas pour prétendre bien connaître quelque chose. Surtout que... Quand on raconte une histoire, on enjolive toujours un peu la vérité. Mais c'est pour moi le... La... Rha !

Le mot qu'elle cherchait ? Quintessence.

Le mieux de la noblesse. Les héritiers de Roland, Godefroy de Bouillon et messire du Guesclin. Des hommes preux, loyaux et généreux. C'est comme ça que je voudrais être.


Edit pour anachronisme, sorry !

là il était vraiment a la bourre !
ca lui apprendra a trainer une fois de plus avec Maurice ,bon allons y !

bonjour a vous tous et excusez mon retard !
une affaire urgente qui ne pouvait attendre

mensonge pieux qu'on lui pardonnera le jour du dernier jugement

je suis le Chevalier Boucanier !ne vous inquiétez pas je suis tres grand mais je n'ai encore mangé personne ;on me nourri bien !

Une main sur la sienne. Elle tourna les yeux, tombant sur la blonde qui lui murmura quelques mots de réconfort. Elle déglutit difficilement. Son malaise était-il si palpable ? La saillie la fit sourire cependant, et elle opina doucement du bonnet, en lui rendant son sourire, un peu rassérénée. La question suivante fusa, et... Diable. Elle commençait à être à court de synonymes pour louer la chevalerie, surtout qu'elle était loin d'avoir le vocabulaire du Petit Robert.

Sa bouche était ouverte pour répondre, mais, sauvée par le gong, ou plutôt la porte, c'est un quatrième homme qui entra. Il se présenta comme le chevalier Boucanier, elle se précipita pour se lever et le saluer évidemment, se présenta en énonçant simplement son prénom, et se rassit ensuite. L'avantage, c'est que ça lui avait donné quelques secondes de plus pour trouver ce qu'elle allait bien pouvoir répondre à Axel.

Un système. Je crois pas qu'on puisse s'improviser chevalier. Ça s'apprend, et pas dans un livre, ou juste en s'enrôlant dans la piétaille d'un ost X ou Y. Il faut des maîtres, des exemples à suivre. Et des camarades qui peuvent nous soutenir, et qu'on peut soutenir en retour. Et peut-être qu'un jour, à mon tour, je pourrai inspirer quelqu'un.

Joignant les mains, elle les tordit un peu, et puis finalement, après les avoir tous bien considéré :

Qu'est-ce que vous avez trouvé, vous ? Pourquoi vous être engagé ?

Oser poser une question ? Prendre les devants ? Ça cognait bien trop fort dans sa poitrine.

Elle hocha doucement du chef quand Axel eut fini de lui répondre. C'était une belle réponse. Et si elle trouvait moitié moins qu'elle ici, elle s'en estimerait sans doute déjà bien contente. Elle avait ensuite tourné la tête vers les autres, mais le Grand Maître l'avait coupée dans son élan en signifiant la fin de l'entretien. Oups. Voilà. Elle avait chié dans la colle. Se relevant, elle passa une main embêtée contre sa nuque découverte.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de me recevoir. Passez une bonne journée.

Une dernière courbette, et elle sortit. Agnès n'était plus là, elle allait devoir retrouver son chemin seule. Par bonheur, elle était dotée d'un minimum de sens de l'orientation, et se retrouva dehors sans effort. Il lui avait indiqué un endroit où se loger, au village. Après inspection de son pécule, elle avait constaté qu'elle n'avait pas les moyens de s'offrir une chambre, mais avait suffisamment pour se poser près de la cheminée avec un grand bol de lait, pour attendre là qu'on vienne lui annoncer l'issue de leurs discussions.