[Mission cadeau de Noël 1468]
Alex Baccard avait été plus que claire : le cadeau à préparer pour un autre membre de l'ordre devait avoir été confectionné, en utilisant et ce que l'on savait faire et les ateliers de l'ordre. À aucun moment l'instigatrice de ce qui ressemblait à un casse-tête n'avait parlé des cuisines de la forteresse. Forge. Tannerie. Menuiserie. Mais ce que l'on aurait pu qualifier d'atelier culinaire? Non. Pourtant, quitte à utiliser ses mains et ses connaissances, la Danoise aurait été bien à l'aise devant les fourneaux, tant elle aimait à préparer liqueurs, douceurs et pâtisseries. Alors, point de cuisine. Il faudrait donc utiliser une autre expérience, celle de l'héraldique, encore qu'elle se voyait mal confectionner un blason pour un inconnu. Mais il y avait autre chose qu'elle savait faire dans ce registre-là, connaissance qu'elle pouvait coupler avec sa passion pour la broderie et les galons. Voilà à quoi se limitaient ses talents, fût-il possible de qualifier ainsi ce à quoi elle amusait régulièrement ses dix doigts.
D'où la tannerie. Elle entra et fut aussitôt prise à la gorge par les odeurs de peaux, de sel, d'huile et d'alun. Remugles puissants, remugles... plaisants car Ingeburge, Parisienne volontaire, n'aimait rien tant que le quartier de la Boucherie jouxtant le Grand châtelet, territoire non loin de chez elle où le sang, les tripes, les peaux et les plumes conféraient aux lieux une atmosphère semblable et comparable à nulle autre. Il lui fallut néanmoins un peu de temps pour ce faire à ces lourdes exhalaisons. Aussi elle resta près de la porte quelques instants, puis s'avança lentement, une lanterne à la main. Il lui fallait plusieurs peaux et elle espérait trouver, dans les chutes qu'elle imaginait trouver là, ce qui était nécessaire à sa confection. Quelques lanières. Un morceau de cuir souple, graissé de manière à résister à l'eau et à l'usure.
Les recherches furent heureusement fructueuses et Ingeburge put se mettre à l'ouvrage. Posant sa lanterne sur un établi, elle s'occupa d'abord de sortir son croquis, des aiguilles et les différents fils qu'elle avait apportés. Il y avait notamment une bobine faite de plusieurs fils poissés tout du long et collés ensemble, du ligneul. Avec ce fils enduit de poix, elle pourrait effectuer des coutures solides et résistantes. L'étude de son croquis l'occupa quelques instants et elle se décida à passer à la confection en elle-même. Il s'agissait de mesurer puis de couper dans la chute trouvée les différentes pièces nécessaires à son ouvrage; de vérifier la cohérence de l'assemblage et et d'enfin passer à la combinaison des morceaux préparés. La découpe connut quelques ratés, heureusement, elle avait un peu de marge pour rectifier les erreurs et même couper des bouts supplémentaires. Vint ensuite le temps de la couture, pour cela elle se saisit d'une alêne qui lui permettrait de trouer et de coudre le cuir à l'aide du ligneul. Il fallu du temps, de la conviction et un brin d'indulgence. Mais ce fut fait. La suite ne dépendait plus d'elle...
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