Le retour d'un errant disparu

Le bruit mécanique de la herse qui se soulève se fit entendre et le licorneux de faction apparut par l'ouverture, il fit un pas vers l'errant qui serrant les rênes de sa monture s'approcha vers le garde. Bulvaï reconnut sans peine Gamling mais l'armagnacais avait le visage décomposé, mélange de soucis, de fatigue, les cernes qu'il avait sous les yeux étaient le signe de nuits blanches à chercher irrémédiablement le sommeil, il était pâle et les quelques gouttes de sueur sur son front brillant laissait présager une mauvaise fièvre. Lorsque les deux licorneux furent face à face, Gamling salua l'orléanais.

Bonjour, frère, quelque chose que je puis faire ?

Bulvaï le regarda étrangement. Il reconnaissait bien là le désir de servir de son frère licorneux, pourtant dans l'état où il était, la seule chose qui lui soit salutaire, serait un petit tour à la pharmacie pour être soumis aux bons soins des médicastres. l'errant posa sa main sur son épaule.

Il me semble que c'est plutôt moi qui pourrait faire quelque chose pour toi frère, je ne suis pas médecin mais ton visage ne montre pas de signe de bonne santé. As tu été consulter à l'infirmerie ? as tu été voir Cerridween ou Akane, il me semble que nos sœurs maitrisent l'art de soigner. N'y a t-il pas un autre écuyer pour te remplacer le temps que tu consultes et que nos sœurs te donnent un remède qui te fera retrouver force et vigueur car tu ne pourras jamais t'acquitter de ta tâche si tu es souffrant ne crois tu pas ?

Sans vraiment attendre de réponse puisque n'étant pas versé dans l'art de la médecine, il ne pourrait aider son frère d'armes, l'orléanais se dirigea sous la herse levée, les deux licorneux passèrent sous la poterne et entrèrent dans la petite cour du châtelet, dernière défense avant d'entrer proprement dit dans la forteresse. L'errant fixa un anneau de fer sur le mur du poste de garde, il y attacha son cheval et se tourna vers l'écuyer.

Je pense qu'il est normal que je me présente au capitaine prévôt avant d'entrer, il y a déjà longtemps que je suis parti et les choses ont peut-être changées. Avant mon départ, c'était notre sœur Zalina de Montmorency. Comme son bureau est juste à coté je te serai reconnaissant si tu voulais bien m'annoncer, puis ajoutant avant que Gamling ne s'éloigne, et n'oublie pas de te soigner frère avant que le mal n'empire.

Gamling partit s'enquérir du prévôt, l'errant se tourna et fit face à sa monture dont il caressa doucement la tête en attendant. Un bruit de pas dans la pénombre de l'escalier, une voix familière, l'orléanais se retourna ajusta rapidement sa cape et regarda la porte un peu nerveux comme s'il s'agissait d'un premier rendez vous galant et la femme qui arriva dans la cour ensoleillée du poste de garde. Il s'inclina respectueusement en guise de salut, puis lorsque les yeux de la jeune femme furent habitué à la clarté ambiante...

Bulvaï ! En voilà une surprise.
Je suis heureuse de te revoir parmi les vivants.

Un sourire discret apparu au coin des lèvres de l'errant. Il y avait beaucoup de personne à Ryes que Bulvaï respectait et appréciait, il avait pensé à elles durant ces quelques mois d'absence, un souvenir particulier, un espoir, un projet mais de tous, Zalina était la personne qu'il voulait revoir en premier. Etait ce parce que c'était sa marraine ? parce qu'elle était prévôt ? parce qu'elle était le chevalier qu'il suivrait sur toutes les routes du royaume sans poser de question si elle lui demandait de venir avec elle ? Peut-être un peu tout à la fois et il lui arrivait encore parfois de remercier Aristote qu'elle fut désignée comme sa marraine lorsqu'il fut accepté comme écuyer à la Licorne, dans son esprit, il ne pouvait pas espérer mieux car il était un peu semblable à elle. Quoiqu'il en soit il ne serait pas entrer à nouveau dans la forteresse sans avoir eu la "bénédiction" de sa marraine peut-être aussi parce qu'il voulait être sur qu'elle ne lui tiendrait pas rigueur de sa longue absence.

Après avoir passé rapidement son filleul en revue, le prévôt donna des instructions à Gamling puis reporta son attention sur son filleul, ou du moins sur sa monture dont elle caressa doucement l'encolure. Elle s'interrogea sur l'état de fatigue de l'errant et de son cheval, être chevalier de la Licorne prêt à partir sur ordre du grand Maitre était une chose, prêt à partir au mieux de sa forme en était une autre.

Ton cheval a besoin de repos et de soins. Depuis quand n’avez-vous pas prit repas et sommeil l’un et l’autre ?

Bulvaï regarda la tête de l'animal et sa réponse concerna uniquement son cheval. Sans le lui dire ouvertement, Zalina comprendrait aisément pour son filleul puisque errant et monture chez les licorneux ne faisaient qu'un, tous les frères et soeurs qui avaient suivi les cours d'équitation de la poitevine le savaient, et puis il ne fallait pas être fin observateur pour se rendre compte au vu de la poussière, de l'usure des vêtements et des signes de fatigues sur le visage de l'homme et de l'animal qu'ils venaient de faire un long voyage, un trop long voyage certainement.

Oui Hinano est fatigué et a besoin de repos, de soins. Durant ces longs mois, nous arrêtons n'importe où lorsque la nuit tombait, je dois confesser qu'il y a des soirs où je ne m'en suis pas occupé, la fatigue, l'esprit ailleurs. Il baissa la tête devant sa marraine connaissant l'amour qu'elle vouait aux chevaux. Mais je te l'accorde Marraine, ce n'est pas une excuse et la première chose que je ferai en entrant dans la forteresse sera de m'occuper de lui dit il en caressant à son tour l'encolure de l'animal. Puis il regarda le prévot dans les yeux. Mais avant cela, je voulais te voir Marraine, je voulais te voir avant d'entrer à nouveau dans la forteresse. Mon absence ne fut pas prévue aussi je voulais savoir si j'étais toujours digne d'être un licorneux, je voulais savoir si j'avais toujours ma place dans notre Ordre au milieu de nos frères et plus particulièrement à tes cotés le jour où la Licorne repartira guerroyer car tu sais que c'est un de mes voeux. Il posa machinalement la main sur son épée qu'il portait sur son flanc, son pommeau était d'un bleu azur et en y regardant de plus prêt, on pouvait y voir gravée une licorne d'argent cabrée. Je voulais aussi prendre de tes nouvelles, mais je vois qu'apparemment, tu te portes bien. Petit sourire. Je voulais aussi prendre des nouvelles des nôtres, Y a t-il eu des changements parmi les chevaliers ? de nouvelles nominations ? de nouvelles intronisations ? J'ai aussi entendu une rumeur concernant Stannis : était ce bien de lui dont elle parlait ? est ce vrai que notre frère est mort ?

D'un coup l'errant avait vidé son cœur par un flot de questions. Ryes, la Licorne, Zalina, les autres frères, c'était sa vie, et il se rendait mieux compte à présent que durant son absence il avait erré à coté du chemin qui était le sien depuis qu'il était entré dans l'Ordre, mais à présent que son esprit n'était plus tourmenté, il pouvait revenir dans des traces qu'il n'aurait jamais du quitter.

Oui Hinano est fatigué et a besoin de repos, de soins. Durant ces longs mois, nous arrêtons n'importe où lorsque la nuit tombait, je dois confesser qu'il y a des soirs où je ne m'en suis pas occupé, la fatigue, l'esprit ailleurs.

Mmmm

Rapidement, le filleul allait se rendre compte que sa marraine ne parlait autant qu’avait par des phrases complètes. Les sons et grognements étaient devenus plus fréquents et remplaçaient peu à peu les civilités.
Mais bien vite, Bulvaï prit conscience qu’il n’y avait aucune excuse à négliger une monture qui vous était fidèle, loyale et dévouée. Parfois la seule amie que l’on est, en plus de sa lame et ses poings. Un Chevalier à pied perdait force et rapidité. Les chevaux méritaient donc respect et attention. Là-dessus, elle était intransigeante.

La Peste laissa l’équidé, rassurée de savoir que le jeune homme en prendrait soin. Elle reporta son attention sur son filleul et le fixa dans les yeux.
Effectivement son absence avait été soudaine et longue. Effectivement c’était là une raison de mettre à la porte un membre de l’Ordre. Effectivement c’est ainsi que les choses se seraient produites, si la missive du jeune homme ne leur était pas parvenue. Discussion avait eu lieu au Haut Conseil et une chance lui avait été laissée, si l’absence ne s’éternisait pas outre mesure. Et absence ne s’était pas éternisée, enfin pas outre mesure. Mais il aurait de nouveau à prouver son dévouement par travail et motivation pour reprendre totalement la place qui était la sienne dans la confiance des membres du dit Haut Conseil. Tout chose à un prix et une telle absence ne peut être sans aucune conséquence, même avec de très bonnes raisons.

Digne, tu l’es toujours. A toi désormais de nous prouver que nous avons bien fait de te laisser ta place d’Errant jusqu’à ton retour.
Je te laisse voir avec Sœur Cerri de ce qu’il en est de ta charge d’assistant du Maistre d’armes. Elle est seule à en juger.
Pour ce qui est de guerroyer à mes cotés…

Zalina fit une courte pause. Guerroyer, la Licorne ira de nouveau, encore et toujours. Mais la Peste en trouverait elle encore le temps ? Elle l’espérait du moins mais craignait se laisser submerger et ne plus réussir à quoi que ce soit. Hors de question de donner une parole qu’elle n’était pas certaine de tenir. Elle reformula donc sa phrase et changea de sujet.

Tu iras encore guerroyer avec la Licorne, oui. Mais pas dans cet état. Tu te ferais tuer ou fais prisonnier dès le premier assaut. Regardes moi dans quel état es tu, et ta monture… Encore une chance que vous n’ayez fait aucune mauvaise rencontre en route.

Stannis… oui…
Cerri s’occupe de gérer les recherches de son meurtrier. J’ai toute confiance en elle pour le châtier comme il le mérite. Personne ne saurait mieux se charger de cette tache qu’elle.

Nouvelle pause et soupire.
Encore un… Encore. Et elle ne pouvait qu’espérer que Cerri arriverait à mettre la main sur l’infâme qui avait tué l’un des leurs. La rousse avait suffisamment de connaissances pour venger leur Frère comme il se doit.
Mais repenser aux morts ne nourrirait pas le cavalier ni la monture épuisés.

Une cérémonie va avoir lieu sous peu (1). Tu sais comment t’y rendre et où trouver la liste des changements de grade, à moins que tu es tout oublié de notre Ordre ?

Petit regard de défi adressé à son filleul puis elle reprit.

Tu verras comment vont nos Frères et Sœurs et les modifications une fois que tu auras soigné et nourrit ton cheval. Et que tu en auras fait autant pour toi.
Vas vite te reposer, le travail t’attend.

Voulant couper court à toutes questions que son filleul pourrait lui poser sur elle et qu’il prenne rapidement du repose, la Peste flatta une dernière fois l’encolure de l’équidé, salua Gamling puis son filleul. Elle reprit ensuite le chemin de son bureau. Si le jeune homme voulait rajouter quelque chose, il saurait l’arrêter.

[HRP : (1) Je suis obligée de situer ton retour avant la cérémonie en cours. Après, on va se retrouver avec une grosse incohérence RP. Tu comprendras plus tard. ]

L'errant avait écouté sa marraine, religieusement pourrait on dire car en elle il avait totalement confiance, en ses frères de la Licorne aussi il pouvait placer sa vie entre leurs mains sur un champ de bataille "tu protèges mes avants, je protège tes arrières", mais en Zalina, c'était différent car elle était une des rares personnes en qui il avait une confiance absolue et aveugle.

Il l'écouta parler : ainsi donc cela était vrai pour Stannis et il eut un pincement au cœur. Même s'il ne connaissait pas vraiment son frère, il le côtoyait à Ryes, il l'avait côtoyé à la cour d'appel, il était chevalier de l'Ordre et cela était une perte cruelle pour la Licorne. Il continua d'écouter sa marraine le conseiller sans lui couper la parole, elle ne s'étendait pas sur les membres de la Licorne lui laissant de ce fait son jugement sur ce qu'il apprendrait, peut-être que mise à part la disparition de Stannis, il ne s'était pas passé grand chose de bouleversant pour l'Ordre, les nouvelles intronisations faisaient partie du quotidien. Tout cela intéressait l'orléanais mais la seule chose qui importait vraiment à Bulvaï s'était d'être rassuré sur son sort à la Licorne : pouvait il encore s'annoncer comme un fils de la Licorne ? Zalina le rassura sur ce point avant de s'éloigner en repartant vers son bureau.

Tu verras comment vont nos Frères et Sœurs et les modifications une fois que tu auras soigné et nourrit ton cheval. Et que tu en auras fait autant pour toi. Vas vite te reposer, le travail t’attend.

Il s'inclina respectueusement alors qu'elle s'éloignait.

J'y vais de ce pas Marraine. Puisses tu un jour être honorée d'être ma marraine par rapport à mes actes faits ou à venir, car l'homme se juge par ses actes. C'est mon vœu tandis que je continuerai à suivre la voie de la chevalerie et d'être fidèle au serment que j'ai fait à notre Grand Maitre Enguerrand de Lazare.

Simple phrase qui lui était sortie telle quelle car en plus des valeurs et des convictions qu'il s'était juré de suivre, de servir, il y avait aussi des hommes, des personnes à qui il pourrait donner sa vie car c'étaient des gens qu'il respectait au delà des fonctions et des grades, il y avait des amis proches, le duc d'Orléans, quelques nobles orléanais, ses frères de la Licorne et sa marraine Zalina.

Zalina avait saluer son filleul puis Gamling avant de s'en retourner dans son bureau. Bulvaï savait ce qui l'attendait : le travail car la Licorne n'était pas un Ordre de parade, la Licorne était un ordre d'élite car chaque frère avait une tâche à accomplir en fonction de son grade pour le bien de tous, pour la gloire de la licorne et du Roy. L'errant avait été nommé assistant du maistre d'armes le chevalier Cerridween mais son absence ne lui avait pas permis d'être fidèle à son poste. Rassuré sur le fait qu'il pouvait toujours porter sa cape azur frappée de la licorne d'argent, il salua Gamling et pénétra dans la forteresse, il avait beaucoup à faire : s'occuper de sa monture, poser ses quelques effets personnels au pieds de sa couche, se rendre à la salle d'armes dans le bureau de Cerridween ... reprendre en fait ce qu'il n'aurait jamais du laisser......

Il prit sa monture par les rênes et se dirigea vers les écuries.