Cela faisait, ici aussi, bien longtemps qu'il n'avait plus remis un pied dans la taverne de son Ordre. Or, ces derniers jours avaient vu bien des raisons pour pallier ce manque se faire jour. Un retour, un accueil chaleureux et une lettre scellée de caducées en sautoir avaient fini de convaincre le Flamand que, Cornegidouille de Pestecuisse, le houblon devait reprendre sa véritable et plénière place: le gosier des chevaliers, des cavaliers, des errants, des écuyers, des hommes d'armes et des écuyers personnels. Et quand en plus on se rendait compte que le trafic Normandie-Flandres s'était, non éteint, mais simplement réduit au cours de ces dernières années, on avait toutes les raisons du monde de ne plus perdre de temps.
Le chevalier des temps anciens avait donc, en plus de la cargaison charriée par son conroi, fait remonter aux côtés du Gros René plusieurs futs qui n'attendaient que de perdre leur virginité, dresser des tables et disposer les choppes.
Il attendait, le coude droit appuyé sur ce qu'on appelait pas encore le zinc et, non sans échanger quelques paroles avec le tenancier légendaire, attendait les soeurs et frères qui ne tarderaient plus à arriver... Au pire, ils ne viendraient pas que ça lui ferait ça à boire en plus, ce qui était loin d'être contre sa religion. Un Flamand émigré au pays du calva, ça peut pas donner un anachorète...