Il n'y a rien au monde qui n'ait un moment décisif

Une missive vint enfin éclaircir une situation morose. L’ordre de la licorne venait de se manifester. Géralt, après plusieurs semaines d’attentes, se voyait enfin accepté en tant qu’homme d’armes. Mais il n’était pas encore l’heure de rejoindre la forteresse. Contraint à vivre par ces propres moyens Géralt avait effectué quelques menus travaux au sein du bourg de Ryes. Ces engagements le maintenaient encore sur place pour quelques jours. En effet, a force de persévérance, l’ancien mercenaire avait obtenu un modeste travail saisonnier.

Quelques jours après la réception de la missive de l’ordre, Géralt termina les tâches pour lesquelles il fut engagé. Il prépara alors soigneusement son départ. Ses deux épées, son unique richesse, furent nettoyées avec patience et intérêt. Le reste de sa tenue fut également restauré au mieux. C’est donc un homme, d’environ trente-cinq ans, qui se dirigea vers la forteresse de l’ordre de la Licorne. Il portait un gambison élimé, un pantalon simple et de hautes bottes de cavalier. Ces deux épées, des bâtardes, l’alourdissaient quelque peu alors qu'il empruntait le chemin menant à la forteresse. Malgré l’habitude d’être ainsi chargé, l’ascension jusqu’à sa destination fut plus lente que prévue. Mais finalement l’homme arriva jusqu’aux remparts. Il se dirigea vers le pont levis qui conduisait lui-même à une herse solide.

Géralt s’arrêta devant le pont levis, contemplant la forteresse dans son ensemble. Les murs paraissaient être encore plus hauts lorsqu’on les contemplait de si près. L’on ne pouvait deviner ce qui se passait à l’intérieur de ces remparts. Le tout nouvel homme d’arme laissa son esprit vagabonder, rêvant de ces futures activités au sein de l’ordre. Mais ses rêveries amenaient de telles interrogations qu’il revint rapidement à cette herse si proche. Derrière cette structure se trouvait un garde qui allait être dans quelques minutes son premier interlocuteur appartenant à l’ordre, son premier contact avec sa nouvelle vie.

Après quelques minutes de réflexion, sa main droite vint trouver l’intérieur de sa chemise. Se faisant elle rencontra un morceau de papier délicatement plié, ce n’était autre que la missive de l’ordre. Serrant celle-ci avec douceur, Géralt se dirigea vers la herse. Arrivé à quelques centimètres de l'obstacle il se stoppa et plongea son regard à travers la grille. Il vit bien le garde se trouvant de l’autre côté et attendit donc que celui-ci prenne la peine de l’interroger. A ce moment, un épais nuage glissa laissant les rayons du soleil courir aux alentours. Plusieurs d’entre eux illuminèrent le visage flegmatique de l’impétrant. La résolution se lisait sur son visage, une nouvelle page de son histoire semblait débuter ici même...

Blackhorn s'ennuyait ferme... Il passait l'essentiel de ses journées assis là, dans ce poste poussièreux à attendre un éventuel visiteur.

Blien sûr il y avait l'entrainement à la salle d'arme très tôt le matin, juste après le reveil et la toilette qu'il prenait dans son baquet d'eau fraîche, se frottant avec vigueur de poignées de sciure avant de se rincer avec un gros pichet qu'il remplissait de l'eau du tonneau à côté....
Ensuite un repas frugal, un morceau de pain frotté de lard, un peu de lait de chèvre quand il en avait, puis il ajustait sa tenue, fourbissait ses armes et son casque. La plupart du temps, il laissait son bouclier posé debout, sur la pointe, au pied de son lit.
Enfin il arrivait au poste peu après le levé du jour et sa première action était, après un coup d'oeil à la herse, de sortir une pierre plate, rugueuse, puis de la mouiller un peu. Là il sortait la dague qu'il portait dans sa chausse droite et patiemment, une main sur la lame guidant l'autre qui en tenait le manche, il passait et repassait lentement le tranchant de sa dague sur la pierre pour en affûter le fil.
Après de longues minutes, il l'essayait avec le chiffon qui lui servait en envelopper sa pierre et remettait sa dague dans sa chausse... vérifiant au passage qu'elle était facilement accessible et coulissait parfaitement dans son fourreau. Elle était parfaitement équilibrée et pouvait lui servir tant à trancher un jarret ou une gorge que comme lame de jet. Ceux qui avaient eu l'occasion de la recevoir avait eu cet air surpris qu'a quelquefois le bétail qu'on abat, mais aucun n'était plus là pour en parler. Son jet était terriblement précis.

Secouant la tête comme pour en chasser les pensées, il leva les yeux vers la herse ou un bruit avait attiré son regard.

Une ombre était là, à peine distinguable avec le contre-jour, le soleil était derrière lui. Blackie se leva, la main gauche sur le haut du foureau de son épée, relevant sa cape sur son épaule gauche pour dégager le pommeau de son arme. Puis il s'approcha... et distingua finalement les traits d'un homme.

"Holà Messire, quel vent vous amène ici, à la Forteresse de Rye. On ne vient jamais ici par hasard!
Etes-vous attendu? Avez-vous un document à me remettre? Et comment vous appelez-vous!"

A deux pas derrière la herse, jambes légèrement écartées, la tête bien droite et le torse bombé, il attendit la réponse....

Géralt vit s’avancer le garde en faction. L’homme était grand mais il était difficile d’en dire davantage derrière une herse. Sans trop attendre l’impétrant fut interpellé. L'on s’interrogeait sur l’identité de l’individu se présentant ainsi devant la forteresse. Sur son identité mais également sur la raison de sa venue. Effectivement il y avait peu de chances que des personnes empruntent le chemin menant à la forteresse de l’ordre de la Licorne sans réels buts. Géralt afficha un air circonspect devant l’avalanche de questions posées. Néanmoins selon lui peu de questions méritaient des réponses, en vérité selon lui aucune des interrogations n’imposaient de réelles réponses. Ainsi Géralt conserva sa réserve habituelle. Il glissa le document officiel à travers la herse afin que son interlocuteur le laisse entrer.

Citation :: L'Ordre royal de la Licorne
à Géralt,
Salut et connaissance de vérité.

En ce jour, le Haut Conseil de l’Ordre a décidé de vous accepter en tant qu’Homme d’Armes.

Ainsi, veuillez-vous présenter en la Forteresse sise à Ryes , et présenter cette missive aux gardes.

Vous exprimant mes salutations.

Faict en Ryes, ce 2ème jour de Septembre de l'an de grasce MCDLIX.

L'homme était resté silencieux... Il avait simplement tendu un parchemin à Blackhorn. Celui-ci le parcouru, fronçant les sourcils.
Le texte était standard bien qu'un peu court, le sceau semblait conforme mais curieusement, le document n'était pas signé.
Regardant à nouveau l'homme dont il commençait à apercevoir les traits, ses yeux s'étant habitués à la lumière rasante, il lui dit:

"Messire Géralt, puisqu'il semble que ce soit votre nom, je m'enquiers de la validité de ce document avant de vous laisser entrer. Veuillez encore patienter un instant."

Puis s'approchant du cornet qui le reliait à la salle des registres, il en ôta l'opercule et souffla brièvement dedans:

"Holà Vinou! réveillée? Regardes dans nos registres si un certain Géralt est attendu. Je ne suis pas entièrement sûr que le document qu'il me présente soit conforme bien qu'il en présente les aspects essentiels. Et préviens notre Soeur Alfgard de venir me rejoindre au Poste de Garde, elle m'a demandée d'être appelée en cas d'anomalie..."

Puis regardant à nouveau l'homme à travers la herse:

"Ca ne sera pas long, mais si vous avez lu les règles de notre Ordre, vous savez déjà que nous considérons la patience comme une Vertu...."

Invité

5 clous de girofle, 2 pincées de menthe, 3 de ... Arf mais il n'avait vraiment pas moyen de faire quelque chose dans cette salle de registre, on y était toujours dérangé. Bon d'accord l'endroit n'était pas de plus adapté pour la préparation d'une mélange de plantes mais la noiraude avait pris soin de bien dégager la table de tous les registres afin de ne pas les abîmer.

Un brin fataliste, Vinou se dirigea vers le cornet. Elle répondit en souriant au frère Blackhorn, oui en souriant car le sourire s'entendait dans la voix, elle en était certaine.

Oui, oui réveillée ... difficile de tenir éveillée mais je le suis quand même. Messire Géralt est attendu. Si tu as un doute sur le document, il faudra en faire part à Soeur Alfgard que je préviens de suite.

Sitôt dit, sitôt fait, Vinou fit envoyer un message à la rousse responsable des hommes d'armes pour la faire venir à la grille.

La prudence est plus que jamais de rigueur en ces temps chargés de haine : après moultes tergiversations, le Royaume de France entre en guerre contre ses irréductibles tourmenteurs. Terminées les petites gueguerres ridicules bien que suffisamment meurtrières, les choses sérieuses se mettent en place et moultes têtes vont tomber.
Ici, à Ryes comme partout où les Licorneux posent un pied, les chefs insistent sur la discrétion des manoeuvres en cours et du fienteron au Maistre en passant par le Chevalier ou l'homme d'Armes, tous sont appelés à ouvrir l'oeil et tant qu'à faire, le bon (précision utile pour un borgne mais y en a pas chez les Licorneux). C'est pourquoi Alfgard a demandé à être appelée pour accueillir le prochain impétrant demandant à pénétrer dans la forteresse. Aussi, quand un message la mandant à la herse lui parvient, elle saute de joie dans ses bottes ferrées, laissant à vau-l'eau des occupations pour le moins secondaires.

Bonjorn Blackhorn, Bonjorn messer...
Merci Frère.

Le parchemin est maintenant entre ses mains, elle y jette rapidement un premier coup d'oeil et d'emblée, elle sait qu'il est bon.

Elle aperçoit difficilement l'homme derrière la herse et doit faire un ou deux demi-pas d'un coté puis de l'autre, tendre et se tordre le cou pour, sans aucune gène, détailler le gaillard de bas en haut et de haut en bas. Pour peu qu'elle ait mis de la grâce à l'exercice, on aurait pu la prendre pour une danseuse. Une danseuse de taverne, pour sûr mais une danseuse quand même ! Ce qui frappe d'emblée chez l'inconnu , c'est sa chevelure claire presque blanche, comme délavée par trop de soleil et ramassée en catogan sur sa nuque, contraste étonnant avec la peau mâte de son visage. Le regard est ensuite capté par la cicatrice qui lui barre la joue gauche jusqu'au front en ayant épargné par miracle un oeil perçant et direct. Un nez droit et un menton volontaire en termine le portrait. Il ne semble pas de très haute stature mais aguerri aux tâches dures ou au maniement des armes. Le reste de la tenue de l'homme n'a rien de remarquable, plutôt simple et appropriée après une ascension pareille « surtout avec deux bâtarde aux côtés » Sa propre réflexion tout à fait machinale la fait s'attarder sur les épées : en effet deux bâtardes tiens tiens... Le « * Blanquit » serait-il plus guerrier que paysan ? Et se dégage-t-il de lui un réel mystère ou est-ce l'inaction qui pèse tellement que la Rouquine se fait son roman d'espie ?

Bienvenue à Ryes, messer. Je suis Alfgard, la respopnsable des Hommes d'Armes et votre future soeur dès que vous aurez franchi cette herse.
Elle se tourne vers Blackhorn et sa main claque légèrement sur son épaule : et voici l'homme d'Armes BlachHorn qui va tout vous expliquer et surtout, vous guider dans cette mystérieuse forteresse. Mais … Elle regarde à nouveau la missive et fronce les sourcils : A qui avez-vous donc adressé votre demande pour intégrer la Licorne ? Je ne vois aucun nom, aucun référent, aucune signature d'un de nos membres du Haut-conseil … A part ce sceau... C'est assez … déconcertant !

La rousse se déplace alors d'un demi-pas pour planter son regard de jade dans celui de son interlocuteur puis elle sourit et attend, curieuse, d'entendre le son de sa voix.

* « Blanchi » en Occitan (ref : le dictionnaire occitan-français )

Devant la herse Géralt affichait un air circonspect. Non seulement l’entrée était intelligemment gardée. Mais de surcroit une foultitude de personnes se passait la missive qu’il avait reçue. Au moins trois personnes s’étaient intéressées au fameux document qu’avait conservé avec soin l’intéressé. Ainsi c’est avec surprise que l’impétrant vit apparaitre derrière la herse une personne qui venait juste d’arriver au poste de garde. Celle-ci se prénommait Alfgard, Géralt accueilli la nouvelle avec détachement et ne sourcilla pas lorsqu’il comprit que cette femme était sa future responsable. Ce qui l’interpella et le gêna bien plus fut les paroles qui suivirent. Il allait être guidé dans sa découverte de la forteresse du prestigieux ordre de la licorne mais paradoxalement le document qu’on lui avait remis semblait être incomplet.

Géralt laissa planer un léger silence tandis qu’il réfléchissait à ses futures paroles. Puis après une intense réflexion il prit la parole d’une voix calme et assurée.

-«Je n’ai pas destiné ma candidature à une personne en particulier. J’ai plutôt écrit à l’ordre dans son ensemble, en tant que personne morale... Ma candidature a été transmise par le biais d’un aubergiste du village au guet public qui a probablement fait le lien. Quoiqu’il en soit je ne puis vous expliquer l’absence de signature. J’ai reçu ce document qui me demandait de me rendre à la forteresse.»

Estimant que la discussion pouvait durer un certain temps compte tenu des formalités déjà mise en place ; Géralt décrocha les sangles qui maintenaient les fourreaux sur son dos. Il posa alors délicatement les armes sur le sol conservant les pommeaux dans ses mains. Puis, comme s’il ne s’était pas interrompu, l’ancien mercenaire reprit la conversation.

-«Aussi si davantage de formalités sont nécessaires pour me permettre d’accéder à la forteresse, je vous serez gré de m’en informer rapidement afin que j’envisage de redescendre vers le village.» Il posa rapidement le regard sur le chemin qu’il venait d’emprunter. «La descente sera probablement plus aisée que la montée mais comme vous le voyez je ne suis pas des plus lestes en ce moment.»

Sa voix monocorde s’éteignit et ne subsista alors que son visage impassible qui adressait une interrogation polie à son interlocutrice.

Personne dites-vous ? Ah... Bien bien. Alors abrégeons l'attente puisque vous êtes attendu. C'était juste un peu de curiosité et d'étonnement de ma part.

Etonnant en effet qu'on puisse maintenant posséder un document aussi peu identifiable et donc si facilement falsifiable! Parce que ce genre de sceau, un bon faussaire ne mettrait pas des lustres à l'imiter parfaitement. 'Mais bon, à priori , de lézard sur ce coup-là, y en a point. Dommage...

Elle sort de sa réflexion, déçue et s'adresse de nouveau à Blackhorn :

Frère, je crois que vous pouvez procéder à l'ouverture de la herse et remettre au nouvel homme d'armes explications et plan de notre belle Dame de Pierre.

A Géralt :
Je vous souhaite de trouver parmi nous ce que vous êtes venu chercher Messer. A bientôt donc.

Frère Blackhorn ...

Un signe de tête à l'un puis à l'autre marque le départ de la rouquine.

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