[Guide] Abrégé de tactique militaire.

L'objet du présent guide sera une présentation rapide et concise, ainsi que aussi précise que faire se pourra, visant à instruire le joueur qui le lira du principe de tactique militaire.

Il se constituera d'un historique très rapide, d'une présentation aussi détaillée que possible des différents types d'unités utilisables sur un champ de bataille, de leurs spécificités, de leurs histoires ainsi que de leurs atouts et de leurs faiblesses.

Il se constituera comme suit :

I- Brèves définitions utiles.

II- Historique rapide de la tactique militaire en utilisation de troupes.

III- Présentation des différentes troupes existantes.

IV- Introduction à la gestion RP d'armées à travers l'étude de stratégies basiques.
1- "La montagne infranchissable".
2- "Le croc de l'ours".
3- "Le nain qui court vite".

V- Introduction à la gestion RP d'armées à travers l'étude de batailles célèbres.
1- Hastings.
2- Azincourt.
3- Bannockburn.
4- Arsouf.
5- Patay.

I- Brèves définitions utiles.

Il serait tout d'abord idiot de présenter le principe de tactique militaire sans faire un minimum de définitions pour savoir de quoi l'on parle. Il est tout d'abord nécessaire de savoir que l'on ne parlera pas ici de la "Stratégie" militaire, mais bien de la "Tactique".

La stratégie est l'ensemble des moyens utilisés, hors bataille, pour parvenir à la victoire. Un excellent manuel de la stratégie militaire sera "L'art de la guerre", de Sun Tzu. Et le maître chinois le résumant bien, il serait fastidieux de le reprendre.
On peut ainsi résumer dans les moyens de stratégie l'utilisation de la peur, l'assaillement des communications et des ravitaillements ennemis, le fait de savoir utiliser les embuscades et la nuit pour attaquer, etc.

La tactique militaire, qui nous intéressera, sera surtout basée sur la bataille rangée en tant que telle, sur la façon de manipuler clairement des masses d'hommes conséquentes pour briser l'armée ennemie.

Les trois mouvements de base : Appui-Couverture-Débordement.

Conçus pour l'infanterie, séparée en trois groupes de combat face à une dizaine d'ennemis, le principe des trois mouvements de base peut aussi bien être appliqué par un groupe de combat face à un binôme de soldats, que par une compagnie face à une section. Dans ce dernier cas, l'appui sera réalisé par la troisième dimension : artillerie, flotte côtière (on parle alors d'appuis feu naval), archerie.

Le groupe d'appui fait face immédiatement à l'ennemi. Il s'agit pour lui d'immobiliser l'ennemi pendant le déplacement des deux autres groupes. Le deuxième groupe assure la couverture des deux autres en surveillant une autre direction potentiellement dangereuse. Il peut servir de réserve. Le troisième groupe contourne largement la position adverse en profitant de la couverture du deuxième. Au moment où le groupe d'appui ouvre le feu ou intensifie le tir sur l'objectif, le troisième groupe donne l'assaut par le flanc. Une fois le troisième groupe arrivé à proximité de l'objectif, le premier groupe reporte son tir sur un autre secteur du terrain pour éviter les tirs amis.

Comment cela se manifeste-t-il, dans une armée médiévale ?

L'appui sera de deux sortes :

- Au corps à corps.
- A distance.

Un appui de corps à corps sera assuré par exemple par une charge de cavalerie visant à immobiliser une force, par l'entrée en contact de deux forces d'infanterie. Il y aura alors stabilisation de la ligne de front, et confrontation, sur le principe du bras de fer : les deux forces s'affrontent jusqu'à ce que l'une cède.

Un appui à distance sera par exemple assuré par une troupe d'arbalétriers qui, craignant une charge de cavalerie, vont alors tenir sous un feu nourri l'unité de cavalerie en question de façon à la bloquer dans ses mouvements.
Azincourt en constitue un exemple absolument excellent.

La couverture, elle aussi, sera applicable au corps à corps ou à distance.

Dans le cas d'un corps à corps, elle se fera par le biais de troupes faibles (paysans, vougiers légers) que l'on sacrifiera volontairement en les jetant en pâture à une force armée plus forte, de façon à ce qu'une autre de vos forces armées puisse progresser sans encombres.

Dans le cas d'une couverture à distance, elle se fera par exemple par une ligne d'arquebusiers faisant feu sur un groupe de fantassins qui chargerait l'une de vos unités en déplacement.

Exemple type :

Vous vous trouvez dans une situation où votre infanterie est au contact avec celle de votre adversaire. Votre cavalerie a besoin, pour que vous remportiez la victoire, de contourner votre adversaire de façon à pouvoir le prendre de dos. Vous lui ordonnez ainsi de contourner vos positions, et de se mettre en place pour une charge.

Mais malchance : la cavalerie ennemie remarque la manoeuvre, et tient à engager le combat pour bloquer votre cavalerie.

Que faites-vous ?

Prenons l'armée de Michael Kelso. Kelso est un gentil glandu aux commandes d'une unité de paysans qui sont là en appui de votre infanterie, jouant à la réserve pour prendre la place de vos troups à un point de la ligne de front qui faiblirait.

Vous ordonnez donc à Kelso d'effectuer une couverture : vous lui dites, avec sa centaine de paysans débiles et arriérés de Haute-Saone qu'ils sont, de charger la ligne de cavalerie lourde de votre adversaire qui fonce sur votre cavalerie, ceci pour permettre à cette dernière d'effectuer sa manoeuvre.
Son sacrifice n'aura pas été inutile : merci Kelso.

Le débordement, quant à lui, s'effectue aussi avec ces deux moyens.

Au corps à corps, il pourra se faire par des unités dissimulées jaillisant dans le dos de l'ennemi, ou par une charge de cavalerie.

A distance, par une utilisation de tireurs montés harcelant l'ennemi en lui tirant dans le dos, ou par des tireurs embusqués que vous faites contourner l'ennemi pour lui tirer dessus.

Bref historique de tactique et logistique militaire :

Pour appréhender de façon complète et globale la façon de combattre d'une troupe des RRs que vous pourriez, vous joueur, être amené à croiser dans votre jeu, il est néanmoins nécessaire de dépoussiérer un peu la tactique militaire pré-existante, pour voir ce qui a construit les troupes de 1450. Une seule notion sera nécessaire à retenir, ici : de toujours se souvenir que l'excellence d'une armée n'est pas créée par l'excellence de ses hommes, bien que cela y contribue ; l'excellence d'une armée provient tout d'abord d'une technologie, et de son utilisation sur le champ de bataille.

ATTENTION !

Technologie ne veut pas dire "Innovation" nécessairement. L'arbalète, vis à vis de l'arc, est une innovation. Néanmoins, les déboires de Crécy et Azincourt montrent bien que ce n'est pas parce que votre armée est la plus moderne du monde que vous gagnez forcément. Oui, ça ne marche pas comme ça.
Et au-delà de l'excellence d'une armée, la victoire dans la bataille ne se joue pas QUE avec une technologie ou avec des hommes. Mais aussi de votre capacité de commandant à contrecarrer la technologie de l'ennemi. Exemple type ?

Coutrai, 1302. Une révolte de villes flamandes provoque la montée en Flandres d'une armée de chevaliers français, décidés à raser la région. A Courtrai, de façon à contrecarrer de façon efficace la charge de la chevalerie française, les flamands sortent les piques, et fonctionnent sur le principe de la phalange ; résultat ? Un carnage annonciateur de Crécy et d'Azincourt ; dont on ne fera rien. Pour information, il faudra à Philippe le Bel monter lui-même en Flandres, et vaincre les insurgés à Mons-en-Pévèle, pour rétablir l'ordre.

- L'armée romaine :

C'est de l'armée romaine que tout d'abord, on voit une fragmentation des armées en groupes de plus en plus petits. La légion (l'armée) se retrouve fractionnée en cohortes (10 fois plus petites que la légion), elles-mêmes divisées en manipules (3 fois plus petites que la cohorte), qui sont composées en centuries (2 fois plus petites que la manipule), elles-mêmes divisées en décuries, ou en turmes pour la cavalerie qui suivra le même principe (10 décuries pour une centurie).

Donc :

Légion (6 000 hommes) => Cohortes (600 hommes) => Manipules (200 hommes) => Centuries (100 hommes) => Décuries (10 hommes). La décurie était tout simplement une unité sous une tente, réunie autour d'un chef de tente (un décurion).

C'est aussi de l'armée romaine, développée à partir de la phalange gréco-macédonienne d'Alexandre le Grand que l'on voit tout d'abord la première vraie tactique occidentale de combat de mêlée en bataille rangée. Pour simplifier, qu'on les voit développer le principe de "Plus nos troupes bougent en coordination, face à leurs troupes, plus nous minimiserons les dégâts. "
Avant cela, quelle était la tactique de base ?

La tactique celto-germaine : Bonjour, ceci est une armée = Bonjour, ceci est une charge.

Ceci est très schématique, ne prenant pas en compte le monde héllénique dont Rome s'inspira beaucoup, et ne prend pas en compte le fait que les celtes ne sont pas non plus des buses en stratégie. Néanmoins, il est nécessaire de synthétiser un peu.

Le fonctionnement de l'armée romaine se trouve sur wikipédia. On s'attachera donc ici à en retenir les bases, qui nous permettrons de développer.

Elle se développe autour d'une force d'infanterie extrêmement solide et fiable, constituée d'armées de métiers. Son fonctionnement lui permet d'assumer aussi bien des charges de cavalerie que des mêlées avec des peuples habitués au corps à corps (Daces, Germains, Celtes, Suèves, Pictes...). Elle dispose aussi d'un corps d'archerie imposant, avec des frondeurs, avec des archers, des machines de guerre ; sans oublier le jet de javelots au début du combat qui désorganise la mêlée ennemie. En tactique militaire, on dira qu'elle dispose d'une IMPOSANTE PUISSANCE DE FEU.
Enfin, lorsque la mêlée est désorganisée, que l'ennemi fuit, ou lorsque l'on a besoin d'affaiblir la puissance de feu ennemie en attaquant des archers, elle dispose d'une petite cavalerie qui lui permet d'accomplir cela. Cavalerie qui, ne disposant pas encore de la technologie de l'étrier, ne dispose pas encore d'une puissance de frappe suffisante pour désorganiser une mêlée à elle-seule.

L'armée romaine constituera la base des évolutions suivantes en matière de tactique militaire.

De l'hégémonie de l'infanterie à la suprématie du chevalier :

Après la chute de l'empire romain, son organisation militaire drastique se perd très rapidement, étant partiellement absorbée dans des régions telles que l'Armorique (Bretagne) par les seigneurs locaux.

Les grandes invasions partageant l'Europe en royaumes barbares mettent à mal l'équipement romain, pour le faire évoluer : l'équipement franc est constitué d'armes beaucoup plus longues et massives, ayant une force d'impact plus importante.
Dans cette société guerrière, tout homme libre est amené à porter les armes. L’équipement originel des guerriers francs pose quelques problèmes parce qu’il est très tôt influencé par l’armement tardif des armées romaines. Ainsi, les cuirasses et les casques portés par des Francs aux IV° et V° siècles ont de fortes chances de provenir… d’ateliers militaires romains ! Le guerrier franc est un fantassin. Les chevaux ne s’élevaient sans doute pas facilement dans les régions d’origine de ce peuple. Ces animaux ont donc une grande valeur et sont souvent réservés aux chefs. Pour se défendre, le guerrier franc dispose d’un bouclier de bois circulaire, semblable aux boucliers des unités romaines tardives. La cuirasse et le casque ne sont sans doute pas généralisés puisque, si l’on suit l’évolution tactique de l’infanterie romaine à cette période, on constate un allègement de l’équipement défensif à la charnière des IV° et V° siècles. Ceci afin d’améliorer la mobilité de l’infanterie sur le champ de bataille. Pour les Francs qui en possèdent, des chefs sans doute, les casques et les cuirasses sont probablement de fabrication ou d’imitation romaine. Pour attaquer, le guerrier franc utilise une lance et une épée longue (spatha) caractéristiques de l’infanterie romaine tardive. Plus « typiquement francs » sont le scramasaxe et la francisque. Le scramasaxe est une épée plus courte que la spatha (mais qui paraît plus longue que le glaive romain classique). La francisque est une hache à un seul tranchant, apparemment utilisable comme arme de jet.

L'introduction de la chevalerie, bien que le vocable soit emprunté à Rome, viendra de ces peuples barbares qui dévasteront l'Europe.

Si chez les Grecs et les Romains monter à cheval pour faire la guerre était rare et réservé à une élite, il n’en était pas de même chez les peuples nomades d’origine germanique ou scandinave.
Étant de nature nomade, le nourrisson fille ou garçon, « Wisigoth », « Ostrogoth », « Vandale », « Alaman », « Alain », « Burgonde », « Lombard » ou encore « Franc » et « Hun » pour ne citer qu’eux, se retrouvait sur le dos d’un cheval avant même de savoir marcher. Et comme la guerre était l’occupation principale de ces peuples qui se devaient pour vivre conquérir sans cesse de nouveaux territoires, le jeune enfant mâle cavalier se retrouvait tout aussi naturellement avec les armes à la main. Il en découle que combattre à cheval était donc la posture naturelle des guerriers de ces peuples de Germanie.
Sevré à l’âge de trois ans, le jeune Germain était confié aux femmes de sa famille jusqu’à l’âge de sept ans. Passé cet âge, il était alors confié jusqu’à son quatorzième anniversaire, pour son éducation presque essentiellement guerrière, à un père adoptif. En général, ce père adoptif n’était autre que le frère aîné de sa mère, donc à son oncle maternel. Cette période se nomme « forsterfaeder » ou « fosterage » Cette période initiatique guerrière dans son appellation porte dans son étymologie même les notions de rudesse et forçage éducatifs auxquels est soumis le futur guerrier germain. Au terme de cette période le jeune germain allait faire ses preuves d’autonomie et de vaillance en voyageant parmi les nombreuses ethnies germaines.
Lorsque le poil lui était poussé au menton, il revenait alors dans sa tribu pour y subir le rite de la première coupe de barbe ou de cheveux et pour y affronter en combat singulier son père adoptif pour que tous puissent voir ses qualités de guerrier.
Chez certain de ces peuples et en l’occurrence chez les « Francs saliens » il était de coutume chez leurs chefs, de célébrer en plus, par une cérémonie spécifique, la remise très solennelle des armes à un jeune homme en âge de combattre.

On voit là le parallèle flagrant avec l'élévation d'un écuyer au rang de Chevalier.

Avec l'invention de l'étrier, les forces armées de cavaliers peu à peu utiliseront leurs lances plutôt comme armes d'impacts plutôt que comme armes de traits (comme les Bretons les utiliseront encore pendant longtemps). Les chevaux seront élevés et grandiront de plus en plus ; et progressivement viendra l'avènement, grâce à sa force de frappe considérable, du Chevalier ; ou plus exactement du Cavalier.

Il ne faut pas voir cela d'un point de vue philosophique, amour courtois, philosophie du guerrier de Dieu, mais simplement rester pratique : durant des centaines d'années, les infanteries des peuples furent les bases de succès de nombre d'armées parce que les chevaux étaient peu nombreux, difficiles à élever, petits, et beaucoup plus malingres que ce qu'ils deviendront à ce moment. Leur utilisation était donc marginale, et limitée à des missions bien précises : tout particulièrement, chez les Grecs et les Romains, à la poursuite de l'ennemi mis en fuite par l'infanterie.

Le développement de l'élevage du cheval après les invasions arabes, sa prise de poids, de taille, et donc de puissance d'impact, corrélée à l'invention de l'étrier, le fera donc surpasser l'infanterie : comme, en 1917, l'arrivée des chars d'assaut dans la bataille de la Somme marquera une cassure nette avec la guerre de tranchées instaurée jusqu'alors.

Et là viendra la globalisation européenne du chevalier. Le meilleur exemple de sa supériorité sur le vilain devant être Hastings, tout simplement. (voir à ce sujet l'étude de cette bataille, plus bas.)