Chambre de Raphaël de Vergy...

Si tu est venue ici...c'est que tu t'es enfin décidé... N'est-ce pas?

Cerridween plongea ses yeux dans ceux de son frère. Un léger sourire courrait sur ses lèvres pourpres. Elle resta ainsi, silencieuse, emprisonnée entre ses doigts et son regard, le laissant lire, à travers les courbes vertes irisées de ses yeux, ce qu’il savait déjà, depuis qu’elle avait passé la porte… se détournant un instant de la douceur du regard de Kratos, elle tourna la tête vers la fenêtre et poussa un cri de surprise :

Oh un herbularius !

Elle se tient un moment debout prenant note à haute voix des plantes s’y trouvant, avec une joie de petite fille, alors que Raphaël la regardait, un brin amusé, bien conscient qu’elle éludait sa question… elle voulait encore quelques secondes, quelques minutes, quelques instants de liberté, d’insouciance, avant d’accomplir pleinement son serment, de quitter sa première vie, révolue maintenant… lorsqu’elle se retourna, faisant dos à l’encadrement de la fenêtre, Kratos put voir de la sérénité dans le regard de sa rouquine de sœur.

Elle revint vers lui l’air plus grave et plus sérieux et le prit par la main pour l’asseoir sur le lit. Elle défit sa longue cape noire et délassa la ceinture où étaient attachées son épée et sa dague, puis elle posa le tout sur une chaise. Elle fouilla dans une pochette en cuir attaché près de l’épée et en sortit une missive pliée en quatre et cachetée. Elle regarda son frère toujours assis sur le lit, poussa un soupir comme pour se donner du courage et vint s’asseoir sans mots, près de Kratos. Elle le regarda un instant avec détermination et tendresse, lui posa doucement la missive dans les mains. Un souffle pour une réponse :

Oui, je me suis décidée…

Pas besoin de précision, il savait tout ce que cela représentait pour elle…

Alea jacta est… maintenant c’est à toi que je suis corps et âme attachée… pensa-t-elle.

La moue boudeuse de Cerridween s'allonga encore d'un pied aux paroles de son frère... elle écoutait sa première tirade les bras croisés et le regard acerbe qu'elle lui jettait, aussi perçant qu'une flèche d'anglois, lui faisait bien comprendre qu'elle n'avait cure de ses explications douteuses.

La deuxième partie de l'exposé finit par colorer de pourpre vif les pommettes de la jolie rousse. Les points sur les hanches, elle ne put retenir un juron en gascon:

Que'm hès cagar, mille diu ! (1)

Puis elle reprit sur un ton orageux, plus hâchée par la colère:

T'occuper de moi hein ? Et alors, ventre saintgris, je suis ta vassale et je dois faire de même ! Et je te dois, comme je l'ai juré, aide et assistance, n'est-il point ?! Et également conseil, surtout quand tu te fourvoies !!

Et puis tu refuses de montrer ta soit-disant « égratiniure » à un médecin ?! Qu'à cela ne tienne, je suis herboriste, mon cher, je ne fais donc pas l'objet de ton abhorration ! Et permets moi de te dire, et puis même si tu ne le permets pas je te l'affirme, ta blessure est ancienne et si elle te fait encore souffrir c'est qu'elle est tout sauf guérie et il n'y a pas l'once d'un doute qu'elle ne guérira point par magie !

La rouquine essaya de se calmer quelque peu. Extérieurement seuls ses yeux étaient encore brillants de colère. Elle attrapa sa trousse d'herboriste et se planta devant son frère en disant d'une voix la plus douce possible :

Et maintenant , enlève ta chemise....


(1) "Tu m'exsaspères, nom de Dieu !"