Arrivée d'Alryk

En ce froidureux jour d'hiver, un équipage iconoclaste remontait le chemin menant à la forteresse de Ryes.
L'homme, montant un cheval de guerre, portait une cape brodée d'une licorne argentée. Il chevauchait tête nue. Une épée dans son fourreau battait son flanc.
Les rayons du soleil se réflétaient par moment sur les pièces de son armure, dissimulée sous sa cape.
Il était silencieux, et jettait par moment de rapides regards sur son compagnon.

Ledit compagnon, un gamin visiblement, était monté sur un étrange canasson. Pas tout à fait un cheval, ni vraiment un âne. Etrange croisement de la nature qui avait produit pareil résultat.
Le môme, tout aussi silencieux, ne pouvait pas détourner ses yeux des hauts murs de l'imposante forteresse se dressant devant eux.
Ce jour était pour lui un jour nouveau dans sa courte existence, et son regard en disait long sur les espoirs qu'il pouvait mettre dans cette vie qui s'offrait à lui.

Sans un mot, le duo passa le premier pont levis, s'engageant dans le corridor, s'arrêtant devant la seconde herse, fermée, étroitement surveillée par les frères et soeurs du poste de garde.

Enguerrand resta silencieux un instant, comme s'il hésitait à se présenter à la garde.
Son regard était froid, les mâchoires serrées. Ceux le connaissant bien auraient pu déceler en lui un étrange sentiment mêlé de tristesse et de satisfaction de voir le jeune Alryk entrer en ces lieux.

Après quelques secondes de silence, il prit une grande inspiration, puis annonça à voix haute.

Holà, de la forteresse! J'amène ce jour le jeune Alryk de Kénéwuik, fils d'Antor de Kénéwuik, nouvel écuyer personnel du chevalier Silec.

Les mots claquèrent dans le silence environnant, et Enguerrand resta immobile, le regard fixé sur la porte du poste de garde, attendant une réponse à sa présentation.

Invité

Dodelinant sur sa monture, le jeune Alryk suivait son Maistre. Cela faisait plusieurs mois qu'il le suivait sur les routes du Royaume. Lui le petit roturier, le Limousin Champenois. Drôle d'histoire que la sienne, et il savait qu'il franchissait ce que l'on appelle communemment un cap. Le Maine avait été un peu sa période d'essais en quelques sortes.

En lui aussi, un double sentiment régnait en lui.

La fierté d'abord. Il était arrivé à devenir un Escuyer alors que rien ne le prédestinait à celà. Il était toujours trop fougueux, trop faible, trop chétif... L'âge ne jouait pas encore en sa faveur. Et de là en découla le second sentiment.
La tristesse. Sincère et profonde. Il avait vécu avec le groupe des Licornes Blanches une aventure qui resterait dans son esprit bien longtemps. La balade au Maine ainsi que les dernières joutes. Un pale sourire illumina alors son visage. Les souvenirs ont ça de bon.

Il regrettait de ne pas pouvoir rester avec son Tuteur. Il lui avait appris à bien tenir en selle, à ne pas sous-estimer les ennemis, à savoir controler ses émotions pour ne voir que sa flèche lors des tirs...

Si peu, mais tellement.

Les remparts étaient là, devant lui, puissants et fiers, hypnotisant et magnifique. Après les quelques mots du Messire Enguerrand, il descendit de sa drole de monture afin de la guider par les rênes. Il était toujours silencieux.

Un nouveau coup d'oeil au gamin, pendant que ça s'agitait dans le poste de garde.
Il semblait aussi visiblement troublé devant cette imposante herse. Enguerrand se souvenait de sa propre arrivée à la forteresse. Ce désagréable sentiment de se sentir perdu, déboussolé en un lieu inconnu. Les premières rencontres, l'attente, puis enfin l'intronisation.
*soupire*

Hum....Bon...Alryk...Ce n'est pas vraiment le lieu pour l'instant, mais j'aimerais, une fois à l'intérieur, que nous ayons une conversation tous les deux...je dirais...d'homme à homme...en quelque sorte.

Un sourire difficile à l'attention du gamin, tentant de le rassurer.

Ne t'en fais pas. Pas de réprimandes, pas de froncement de sourcils. Juste...Peut être...une sorte de mise au point, et deux ou trois conseils, avant de confier ton avenir à un autre que moi...

Nouveau regard vers la porte du poste de garde. Il avait hâte de se retrouver à l'intérieur de l'enceinte de la forteresse, au chaud dans la taverne, tentant de faire comprendre à Kekidi ce qu'il désirait boire pour se réchauffer les sangs.

Invité

Le Gosse soupira.

Bien Messire. Je serai ravi d'avoir encore quelques de vos conseils.

Petit sourire, simple réponse cordiale. Il tapota ensuite son canasson. Fidèle destrier malgré sa patte folle.

En taverne. Il ne put réprimer un hoquet de rire. Dame Marie lui faisait la chasse lorsqu'il allait en ce genre d'endroit. Finalement, ça n'allait peut être pas être invivable.

La grille se redressa lentement avant que n'apparaisse en-dessous, alors qu'elle était encore hauteur de sa taille, Stannis, bien enroulé dans un chaud manteau avant d'aller accueillir Enguerrand, qui était accompagné d'un gamin, lequel se trouvait juché sur une bête à drôle de figure, un genre de mulet que la nature n'avait pas très bien réussi sans doute. Trouvant étrange le regard de l'Ecuyer Limousin alors qu'il approchait, il préféra ne pas poser de question, se contentant de les saluer tous deux d'un signe de tête alors qu'il les invitait du geste à passer

C'est bon, allez-y, ne restez pas là à vous geler plus que nécessaire... C'est qu'il ne fait vraiment pas chaud.

Enguerrand vit se découper la silhouette de Stannis, chaudement emmitouflé, alors que la herse se relevait. Il le salua également d'un signe de tête et fit s'avancer sa monture, signifiant par la même occasion à Alryk de le suivre.

S'arrêtant à hauteur de l'ecuyer, il s'adressa à lui d'une voix presque grave.

Merci à toi mon frère. Nous allons de ce pas nous réchauffer au plus vite. Bon courage à toi pour le reste de ta garde, et viens donc prendre un verre à la taverne si le coeur t'en dit, un peu plus tard.

Un fin sourire se dessina sur ses lèvres, et il refit partir son cheval, traversant le corridor menant à la deuxième porte, qui donnait accès au coeur de la forteresse.

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