[Bureau du GM] Entretien avec Thiberian et Ysaoth

Penché sur son bureau, Walan terminait de rédiger la seconde des deux lettres identiques qu'il allait envoyer sous peu. Quelques mots plus tard, il signait d'ailleurs, puis appelait l'un des quelques domestiques de l'ordre pour lui demander de faire en sorte que ces parchemins soient remis à leurs destinataires au plus vite.
Ils ne tarderaient pas, du moins le Grand Maître l'espérait-il. En attendant, il se leva pour se diriger vers l'une des étroites fenêtres -quasiment une meurtrière, en fait- qui perçait l'épais mur du donjon et observa la forteresse, songeur.

Après avoir reçu sa convocation et se doutant du pourquoi de celle ci, le Baccard s'était rendu au bureau du Grand Maître en suivant les indications transmises.
Il frappa par trois fois à la porte et y entra après y avoir été invité, il salua :

Bonjour Grand Maitre, mes respects.
Ecuyer Thiberian, à vos ordres.

Peu de temps après, trois nouveaux coups sont frappés sur la porte du Grand maître. Après avoir entendu l'invitation il entre et salut respectueusement son supérieur.
Il se place aux côtés de son frère.

Grand Maître, frère Thiberian, bonjour.

Pendant que les deux hommes entraient, Walan était resté face à la fenêtre, continuant de mettre de l'ordre dans ses idées. Peu de temps après, il se tourna toutefois vers eux, les saluant d'un signe de tête.

Vous devez vous douter de la raison pour laquelle je vous ai demandé de venir ici.

Sa Majesté la Reine a décidé de vous faire chevaliers et de vous intégrer à l'Ordre Souverain de l’Étoile.
C'est son droit. Mais vous savez d'expérience qu'il y a souvent des différences entre ce que le droit nous autorise à faire et ce que l'on devrait faire.

Dans ce cas précis, Sa Majesté semble avoir ignoré ou écarté de sa réflexion l'impact pour vous, pour l'Ordre que vous aviez volontairement rejoint auparavant et ses membres, et pour le reste des Ordres Royaux. Or, impact il y a et il y aura, aussi bien à cause de la forme que du fond.

Tout d'abord, aucun membre de la Licorne, pas même un représentant, n'a été consulté, informé ou ne serait-ce qu'invité à cet événement.
Alors même que tous les Ordres Royaux prônent la fraternité et l'entraide, que nous vivons ensemble sur les routes et les camps une grande partie de l'année, nous n'avons pas été conviés à partager cette étape particulièrement importante de votre vie. Rien que ça a choqué le Haut Conseil et certains membres d'autres ordres.

Alors même que les textes royaux régissant la Chevalerie demandent aux chevaliers de faire preuve de fidélité, d'honneur, d'éthique et de morale, vous avez été incités, en cachette et alors que vous aviez déjà prêté des serments envers la Licorne, à prêter un serment auprès d'un autre ordre. Et ceci sans que vous puissiez avoir l'assistance de l'un d'entre nous.

Ensuite, en vous adoubant alors que vous faites déjà partie d'un Ordre où vous êtes écuyers, Sa Majesté a nié à la Licorne la capacité à reconnaître la valeur de ses membres et à la récompenser par elle-même le moment venu. Telle n'était pas son intention, mais tel est le résultat. Car désormais, quand bien même un jour le Haut Conseil estimerait-il que vous avez atteint le moment d'être faits chevaliers ... vous le seriez déjà.

Vous n'êtes certes pas les premiers à faire partie de la Licorne en ayant déjà été adoubés ailleurs. Mais dans les autres cas, il s'agissait de chevaliers d'autres ordres dont la situation était connue et qui acceptaient de recommencer à zéro au sein de la Licorne ; ou de chevaliers de la Licorne qui se voyaient faire chevaliers ailleurs -généralement de France-.
Et pas de membres "au milieu du gué", encore en cours d'apprentissage.

Cela aura un impact pour vous, enfin. Car en vous adoubant dans de telles circonstances, alors qu'à bien des égards vous n'avez pas encore fait vos preuves sur la voie de la chevalerie -pas davantage que d'autres impétrants d'ordres royaux en tout cas-, Sa Majesté donne l'impression de vous récompenser pour des raisons n'étant pas liées à vos mérites. D'autres considérerons que vous avez choisi la voie de la facilité et de la rapidité.
Et cette image, vraie ou fausse, vous collera pour longtemps et vous demandera de montrer bien davantage que d'autres que vous méritez ce rang pour les convaincre qu'ils ont tort.

J'ai longuement, très longuement, discuté de tout ceci avec Sa Majesté et d'autres. Et je ne suis toujours pas sûr à ce jour qu'elle ait réellement compris ce qui nous posait problème dans sa décision.

Le chevalier s'arrêta, observant brièvement ses deux vis-à-vis avant de reprendre.

Vous n'êtes pas responsables de ceci. Pas totalement, en tout cas.
Certains vous reprocheront sans doute de n'avoir pas refusé, car cela aurait été la preuve de votre attachement à notre ordre et à vos serments. J'ai toutefois conscience qu'il peut être difficile de refuser les honneurs proposés devant témoins par le Souverain de France, et ce d'autant lorsqu'ils ne paraissent pas ... "gênants".

Pour autant, c'est vous qui devrez en supporter les conséquences. Et l'une des premières est liée aux questions suivantes : comment voyez-vous votre futur au sein de la Licorne ? Comptez-vous y tenir vos serments et continuer parmi nous ?

Sans leur laisser le temps de prendre la parole, Sans Repos ajouta tout de même.

Avant que vous ne répondiez, soyons clairs : pour ce qui concerne l'Ordre, nous considérons que vous êtes toujours engagés auprès de nous.

Mais en notre sein vous demeurerez écuyers jusqu'à ce que le Haut Conseil vous estime dignes de devenir errants, puis prêts à être faits chevaliers. Toutefois, cela pourrait vous êtes plus compliqué désormais parce que la Licorne attend de ses membres qu'ils la fassent passer avant tout le reste et que l’Étoile demande de même -dans ses textes en tout cas-. Vous aurez sans doute à affronter certains dilemmes plus tôt que d'habitude. Et vous pourriez aussi être tentés de vous dire que, ayant été faits chevaliers par ailleurs, vous savez déjà tout ce qu'il y a à savoir sur la chevalerie et n'avez plus de leçons à recevoir. Peut-être que d'autres vous pousseront à croire cela.
Ce sont des obstacles qu'il vous faudra surmonter, mais ce n'est pas la Licorne qui vous les imposera. Car vous n'y serez pas traités différemment des autres membres de même rang, et l'on vous demandera de faire les mêmes preuves qu'eux. J'y suis attaché, et je veillerai à ce que ce soit le cas.

Cette fois, il s'arrêta, attendant les réponses à ses questions.

Il écouta longuement les paroles du Grand Maitre, hochant de la tête assez régulièrement pour prouver qu'il comprenait ce qui était dit, quand il eut finit, Thiberian regarda Ysaoth et dit :

J'espère ne pas t'offenser si je réponds en premier mon frère, je ne parlerais que pour moi rassures toi.

Reportant son regard sur Walan il reprit :

Grand Maitre, tu me connais depuis longtemps...Tu connais aussi parfaitement mes nombreux défauts que les quelques qualités qui tentent péniblement de les équilibrer.
Je n'ai pas demandé cet honneur, je ne l'aurais jamais fais. Quand j'ai voulu choisir un ordre au tout début l'Etoile m'a été proposé, l'on ma proposé d'y entrer comme Chevalier sous réserve qu'un régnant me propose et tu sais comme moi que je n'aurais pas eu à lutter pour avoir ce soutient chez nous. Neanmoins, j'ai choisis la Licorne...Je ne l'ai pas choisis par sa résolution à être le fleuron de la chevalerie, ni pour ses valeurs particulière car on les retrouve dans les autres aussi. Je l'ai choisis pour toi, je l'ai choisis pour être à nouveau un soldat sous tes ordres, je l'ai choisis par loyauté envers un homme que je considère comme un immense commandant duquel j'ai beaucoup appris et duquel j'apprendrais toujours, je l'ai choisis par loyauté envers un homme qui m'a vu grandir en tant que soldat, qui m'a aidé à murir et à devenir moi même un commandant et un stratège à peu près digne de ce nom, je l'ai choisis par loyauté envers un homme qu'après tant d'années je considère comme un frère et un ami malgré cette distance respectueuse qui ne changera jamais.

Alors bien sur, me retrouver devant cette situation fut compliqué. D'un côté je ne souhaitais pas te blesser et te décevoir, de même que mes frères de la Licorne que j'ai appris à beaucoup apprécier, et de l'autre je ne voulais pas que Sa Majesté se sente insultée par un refus et j'avais aussi un peu envie de croire et ce qu'elle et Madame le Grand ont perçu en nous. Qui suis je pour juger de la vision d'un Monarque après tout ?
Donc si j'ai accepté ne va pas croire que c'était pour vous décevoir tous je t'en prie, ne va pas non plus croire que je l'ai fais uniquement pour ne pas frustrer Sa Majesté en public, je l'ai fais parce que j'aime cette Reyne de tout mon cœur, je lui jure mon âme et mon arme sans la moindre once d'hésitation et que j'ai envie de lui faire confiance. Est ce que je pense être prêt pour être Chevalier ? Grand dieu non ! Je l'ai prouvé il n'y a pas si longtemps.
Mais est ce que je m'engage à l'être à présent ? A relever tous les défis sans me plaindre ? A accepter le jugement de ceux qui voient un copinage ou un adoubement potentiellement mérité mais précipité comme c'est sans doutes ton cas ? Tu me connais suffisamment pour savoir qu'aucun défi ne m'effraie.

Tout n'est donc pas la responsabilité de Sa Majesté et je me refuse à lui faire porter ce chapeau, ce choix je l'ai fais comme un homme et je l'assumerais comme un homme peu importe ce qu'il m'en coutera. Je le ferais sans rechigner, sans me plaindre, sans crier à l'injustice, je prouverais ma valeur trois ou cinq fois s'il le faut. Je n'ai plus rien à espérer dans notre duché et pourtant j'y prouverais ma valeur jusqu'à ma mort alors penses tu sincèrement que ce sacerdoce me terrifie ?

Il le regarda longuement, reprit son souffle et reprit :

Mon engagement envers la Licorne n'a jamais été remis en cause par ce choix. Je suis un écuyer, je reste un écuyer.
Je ne porterais pas mes armes de chevalier dans l'enceinte de Ryes je m'y suis déjà engagé envers moi même, j'ai encore beaucoup trop à apprendre pour me le permettre. Je ne considère pas l'adoubement qui m'a été fais comme un sous adoubement ou un honneur au rabais, mais je souhaites toujours devenir Chevalier de la Licorne, je souhaites toujours évoluer à tes côtés et comme toujours tu trouveras mon épée et mon expérience à tes côtés si tu les désires comme c'est le cas depuis bien avant mon arrivée ici.

J'aime mes frères, il est hors de question de les abandonner et si je n'avais pas eu la possibilité d'essayer de tout conserver alors je me serais probablement résolu à refuser cet honneur.
Je suis conscient de mes failles en tant qu'homme alors que dire en tant que Chevalier...Je prend cet adoubement comme le défi qui m'ouvre la voie de la chevalerie, l'adoubement de la Licorne je le verrais comme un aboutissement personnel, comme le moment où je me trouverais moi même prêt.

Il le regarda, marqua une pause et termina avec un regard de défi :

Mais j'y arriverais, je n'ai aucun doutes là dessus, peu importe le temps que ça prend.
Et pardonne moi d'avance s'il te plait mais...Comment pourrais je croire que je n'ai plus rien à apprendre de la Chevalerie alors même qu'était ton égal dans notre province je trouve encore à appendre de toi ? Peux tu simplement toi même me dire que tu n'as plus rien à apprendre de cette voie ? Est ce seulement possible de tout savoir ?

Non seulement j'ai encore beaucoup à apprendre, mais je sais déjà qu'à la veille de ma mort il m'en restera encore au moins autant à apprendre.
Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien et que ça restera comme ça...

Il avait écouté et n'avait manifesté aucun étonnement, ou surprise à ce qui avait pu être dit, d'un côté comme de l'autre. Bien évidemment, il n'avait pas fait cas de la volonté de Thiberian de s'exprimer en premier, bien au contraire. Ces derniers temps, il avait tendance à laisser la parole aux autres, considérant qu'il l'avait prise pendant bien trop longtemps. Et, au contraire du Grand Maître et de son frère d'arme, il répondit, à son tour, de manière concise.

Grand Maître, j'étais bien au fait de cette situation, même avant de faire mon choix. L'opportunité qui s'est présentée à moi m'est apparue, à ce moment de ma vie, comme un nouvel élan, et non comme une rupture. J'ai beaucoup réfléchis sur tout un tas de questions découlant de la situation et notamment à celle que vous posez. Et oui, je compte garder mon engagement auprès de la Licorne.

Puis ajoute

Pour ce qui est de mon avenir, le Haut Conseil en décidera.

Observant Thiberian, puis Ysaoth, le Grand Maître resta silencieux un moment. Puis il reprit, sans laisser voir ce qui avait .

Nous avons tous des raisons différentes qui nous ont fait rejoindre l'ordre. Le faire pour suivre quelqu'un n'est pas rare. Cependant, si c'est une raison de nous rejoindre, c'est l'attachement à nos valeurs et à l'ordre, comme entité et comme groupe, qui doit vous faire poursuivre. Et ce que la personne qui nous a motivé initialement à venir persiste, disparaisse, faillisse ou trahisse.

Je vois que vous avez conscience des défis qui demeurent, ancien comme nouveaux, c'est déjà une bonne chose. Il vous faudra les affronter désormais, et c'est bien là que sera la difficulté.

Quant à tes questions Thiberian, même chevalier on ne cesse d'apprendre.
Mais si tous les membres de notre ordre -et des autres- suivent une même voie sans jamais atteindre de destination, tous ne l'arpentent pas à la même vitesse et tous ne sont pas au même endroit pour autant. Être fait chevalier, pour la Licorne, signifie que l'on a parcouru le chemin suffisamment longtemps, affronté suffisamment de ses épreuves, montré suffisamment de discipline et l'acquisition des valeurs nécessaires pour être en capacité de cheminer seul.

Une pause, réalisant qu'il risquait de repartir dans un nouveau discours trop long.

J'ai conscience que, ces derniers temps, nous parlons beaucoup de valeurs et de la chevalerie, et ceci de manière très ... théorique. Ce n'est en réalité pas quelque chose de fréquent ici. Ce genre de discours, habituellement, reste cantonné à nos cérémonies formelles ou à des discussions privées en tête-à-tête, et c'est bien davantage par le compagnonnage et l'exemple que nous transmettons aussi bien nos traditions que nos valeurs. Faire l'expérience personnelle de certaines choses est primordial.

Il n'était probablement pas très clair, ce qu'il cherchait habituellement à éviter. Mais en l'occurrence, expliquer davantage irait à l'encontre du propos.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ? Sinon, vous pouvez retourner à vos occupations.
Sinon,

Il regarda Walan et répondit simplement :

C'est le choix de l'ordre qui fut conditionné par le fait de te suivre Walan, pas celui de la voie de la chevalerie.
Ce choix, je l'ai fais depuis toujours, depuis bien avant de venir devant les portes de Ryes, je l'ai fais chaque jour en protégeant ma province, en combattant l'injustice où qu'elle se trouve, c'est ma vie entière qui est marquée par ce combat.
Je me bats désormais pour quelque chose de plus grand que ma province, que mon peuple, je me bats pour une nation mais surtout une idée mais ce combat n'est pas nouveau, seule son envergure l'est.
Comme tous les hommes j'ai peur de l'échec et de la mort, mais la peur à une place déterminée depuis longtemps ici, juste sous ma botte. Ce défi supplémentaire ne la fera pas sortir de là.

Je comprends parfaitement le haut conseil à vrai dire, c'est vrai que notre parcours sera des plus atypiques et constituera un précédent dangereux pour l'ordre et sans doutes la Chevalerie au sens plus large. C'est donc à nous à présent de prouver qu'il n'en est rien, que votre inquiétude n'aura pas lieu d'être bien longtemps et que ce précédent sera au final légitime. C'est notre travail, notre tâche et nous la remplirons.
Je sais que ça ne t'amuses pas de nous dire tout ça, que ça ne t'amuses pas de parler encore et encore des valeurs morales de la chevalerie ces temps ci, que les messages ont du mal à passer des deux côtés de la balance...Je ne t'en veux pas de nous en parler, je pense qu'il le fallait, que les choses même implicites devaient être clairement dites entre nous et l'ordre.

Je ne peux pas te dire sincèrement que ces adoubements étaient mérités, je ne sais pas ce qui a été vu en nous pour les justifier.
Je peux simplement te promettre ici qu'ils ne seront pas vains et qu'ils n’entreverront pas notre évolution au sein de la Licorne même si elle devait être deux fois plus longue que celle de n'importe quel écuyer.

Je n'ai rien à ajouter.

Il était resté silencieux après son intervention, brève, et il n'ajouterai rien. Il le précisa à haute voix tout de même.

Rien à ajouter Grand Maître

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