Présentation de la nouvelle responsable...

Comme les journées sont longues...

La vie à Ryes était d'une insoutenable monotonie. Elle se résumait, pour le jeune écuyer personnel du maistre d'arme, à des entraînements aux armes qui le laissaient pantelant, épuisé, auxquels venaient s'ajouter des leçons plus particulières d'écriture, et donc idoinement de lecture. De plus, il devait aider en permanence le Chevalier de Vergy, choisissant des vêtements, récurrant des cuirs, huilant des attirails, passant avec lui à la salle d'arme, la nettoyant, la balayant, l'entretenant. On pouvait y rajouter les réveils aux aurores, les étuves où l'on se lavait, les excursions à cheval, l'aide apportée au René parfois, quand il en avait besoin. Si l'on regardait tout cela, on pouvait bénir le Seigneur de ne pas être en institution monastique, car à cela viendrait s'ajouter les offices religieux qui parsemaient les journées. Il n'y avait pas non plus les travaux des champs. Mais on n'en était pas moins fatigué. Aussi le jeune écuyer avait-il un excellent sommeil, assez massif...

Ses rapports avec le Chevalier n'avaient guère évolués depuis leur rencontre assez... fracassante dans les jardins(1). Il la croisait peu, et leurs échanges se limitaient à des ordres donnés et reçus, des actes exécutés, le rapport de professeur à élève lors des cours de maniement d'épée, où il ne brillait guère. Il faudrait reconnaître quelque chose... : Le jeune Faucon n'aurait jamais la dextérité de son père, une épée à la main. Il était assez désordonné, faisant beaucoup trop appel à son énervement ou à sa colère, pour avoir la victoire de duels. Il n'avait rien de la dextérité de l'escrimeur, de sa force tranquille, de la précision mortelle de ses frappes. Adrian était brouillon, batailleur, revêche. Il frappait volontiers à grands coups, n'avait aucune retenue, et négligeait toujours sa défense: autre caractéristique l'excluant automatiquement du cercle des épéistes. Et le Chevalier ne l'aidait guère : il était à reconnaître que Cerridween n'appuyait jamais de façon injuste sur ses faiblesses, ne le brimait jamais, ne le prenait jamais en défaut. Elle était d'une justice absolument implacable : dure face à l'erreur, et avare de vivats face à des progrès. Elle le remettait à sa place de façon toujours froide, appuyée, mais jamais en montrant un énervement ou une colère à son encontre qui n'aurait pas lieu d'être. En somme, le Maistre d'arme était juste.

Adrian avait eu vent de la présentation de la nouvelle responsable. Il l'avait accompagnée, ainsi que son Chevalier et le Grand Maistre, à une réception des Dames Blanches où une cérémonie officielle devait se dérouler, et avait déjà pu voir comment elle fonctionnait. Akane de Clairval était... une noble bien peu orthodoxe, en vérité. Petite femme de tête, elle n'avait que peu de volonté, et supportait mal la controverse. Il avait pu l'observer, alors qu'elle lui reprochait la prise en main de la montée du campement dans les ruines de l'ancien manoir des Dames Blanches(2). La répartie, pour sa part, avait été cinglante, et elle avait vite plié bagage. Aussi considérait-il la Clairval comme une femme sans grande capacité de commandement, sujette à des accès de gueulantes qui ne voulaient pas dire grand chose.

Il était resté tout du long de la présentation dans son coin, dans le fond d'une salle alors que ses activités étaient terminées et qu'il attendait que, bientôt, le repas soit servi dans la Taverne. Il regardait. Il analysait. On se présentait, on parlait de soi. La responsable organisait les débats, on parlait beaucoup, et on en sortait peu de choses. Certains entrevoyaient de justes questions, de logiques demandes. Et la Clairval, en réalité, lors de sa remarque à l'assemblée, ne fit que confirmer la première impression du jeune homme. Il sourit alors pour lui-même, constatant qu'encore une fois, elle était dans une contradiction assez flagrante avec elle-même. Cela le renvoyait à sa première prise de bec avec l'Errante: alors qu'on lui avait ordonné de veiller à l'installation du camp, la Clairval était venue l'enguirlander parce qu'il n'était pas passé par elle, pour la gestion de cette installation, alors que ses ordres venaient du Grand Maistre! De plus, si on y réfléchissait, si ce n'avait pas été à lui de gérer le campement, cela aurait dû être... De SA responsabilité, à elle! Aussi attaquait-elle en donnant déjà les bâtons pour se faire battre !
La situation, à l'heure actuelle, reprenait très bien les même caractéristiques, et c'était Seleina qui, cette fois, l'avait observé.

- Alors ? L'heure n'est point au repos, remuez vous, vous êtes içi pour faire de la broderie ou bien ? Vous êtes ici à l'Ordre Royal de la Licorne, vous voyez ? Rien ne vous sera servi sur un plateau d'argent ! Vous n’avez pas les qualités et pas encore le niveau requis pour prétendre accéder à la chevalerie, actuellement tout reste à faire, c'est votre choix, mais ne vous plaignez jamais ! Je suis là pour vous guider, vous aider, mais je ne suis pas censée faire le travail pour vous!

Elle leur reprochait d'être au repos, alors qu'elle dirigeait les débats ! Si les débats étaient mous, cela était-il de la faute de l'assistance, ou de celle de la responsable? Elle exposait clairement les différences entre les hommes d'armes et elle, et les accusait de se plaindre, de surcroît! Manque de diplomatie flagrant... Le jeune garçon n'avait pas eu besoin de désamorcer des guerres pour le comprendre: lorsque l'on se présente, se mettre son auditoire à dos est la pire des solutions ! Et Seleina, fort justement, avait remise la responsable face à ses contradictions: oui, en effet, les Hommes d'armes ne "faisaient rien", par eux-même. Et ensuite? Ils étaient la base! Donc devaient recevoir des ordres! Et pas inventer eux-même des tâches que l'on leur aurait reproché! Aussi, encore une fois, y avait-il contradiction flagrante : car s'ils manquaient d'ordres, et donc ne faisaient rien, cela était de la responsabilité... Des responsables des hommes d'armes! Rien de moins! Là encore, par sa remarque, l'Errante donnait les bâtons pour se faire battre.

Et le jeune écuyer de continuer à observer, dans son coin, appuyé à l'un des piliers qui soutenaient la voute, et de réfléchir.

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(1): Cf "Sangre y furia", dans les jardins de la Forteresse.

(2): Cf "L'installation du campement", sur le forum des Dames Blanches.

Dans les pensées d’une brune…

Errante, on se calme !
Quel était cet accès de colère, de rage, qui t’avait encore fait perdre tes esprits ?
Encore ces démons intérieurs, de ceux qui te torturent jour et nuit depuis quelques mois, bien avant la naissance de ta descendance… De ceux qui tu avais réussir à faire taire, et qui maintenant ressurgissent…
Pourquoi ?
La folie ?
Non impossible…Je ne suis pas folle…
Tu es responsable, Akane, réveilles toi, sois à l’écoute, oriente ces hommes et ces femmes…
Bordel, et ton sens de la diplomatie…Aux oubliettes ? Tu deviens rustre, oui une rustre, une rustre colérique… Tempête… Ce cri qui te sied si bien te colle trop à la peau…
ASSEZ !
Tempères toi, redeviens juste, redeviens celle que tu étais…


Seleina se lève et te regarde… Elle te parle, elle te sonde, et tente de lire en toi comme dans un livre ouvert… Cette femme, qui te rappelle Vendôme, toi qui échappa là bas à la mort…
AGIS comme une responsable, sois digne de cette tâche! Lèves toi !

… Et la normande de se lever en fixant la nouvelle recrue, et de lui répondre en reprenant une certaine contenance…

- Bien…Je vais vous exposer ce que j’attends de vous à l’heure actuelle : Il n’est pas difficile pour tout en chacun de prendre note des ordres de missions demandées, elles sont affichées icilieu, à l’entrée de la tour, avec les autres informations importantes, par mes soins ou ceux de notre prévôt comme du grand maître… Il va sans dire qu’il est nécessaire de participer comme dit précédemment à celles-ci. La salle d’armes est également un lieu stratégique dans lequel il faut s’y rendre assez souvent : Des entrainements sont proposés, cependant, ils ne sont pas, pour la grande majorité d’entre eux, accessibles aux hommes d’armes. Je constate, avec regret , que la fréquence de ceux-ci est rare et que certains aimeraient qu’ils soient plus fréquents, j’en aviserai les personnes concernées…D’ailleurs Seleina, ayant déjà répondu à ton camarade sur une partie de tes interrogations… Mais comme tu es arrivée un peu en retard, tu as du les manquer… Je prévois de mon côté un entrainement pour tester votre endurance, je ne peux intervenir en matière d’armes…

Regard sur la salle, s’assurant que tout le monde comprenne bien, avant de reprendre le fil de son explication…

- Vous pouvez également en salle d’armes, apposer une demande de duels, afin de comparer les difficultés et points forts de chacun. Certains diront que c’est une perte d’énergie inutile… Pour ma part, je pense qu’ils permettent de connaître ses frères et sœurs, et d’autre part, il est bon d’apprendre des autres pour son enrichissement personnel… Je vous demande d’être volontaires, réactifs, de ne pas hésiter à poser diverses questions, tout en gardant une part d’autonomie, tout vous est indiqué pour progresser, et je serai là si le besoin s’en fait ressentir pour quiconque…A vous de faire une réflexion sur ce que vous pouvez également apporter à la vie de Ryes, et de me proposer des projets par exemple. Dernier point que je voulais souligner… Orgerix tient un recueil avec les informations de chaque membre (1), faites lui parvenir les informations, comme votre position le plus souvent possible… Si vous avez des difficultés pour se faire, c’est le moment de m’en parler… A moins que Seleina ai autre chose à demander…

Vers Seleina

- Et…Puisque tu as souligné la présence de nos jardins, l’herbularius aurait besoin de quelques soins…

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1 ) Cf le tableau d'Orgerix avec sa carte.

Seleina reprit la parole quelque peu ennuyée... Elle avait connu Akane dans des circonstances terribles et si particulières et dans un état critique, l'avait soignée et aidée à ... Les souvenirs ressurgirent soudain qu'elle tenta de faire refluer au plus profond d'elle... Son but n'était pas de mettre Akane dans une situation embarassante. Et le fait de lui tenir tête en quelque sorte et devant tous pouvait être mal perçu. Tant pis... La brune était par trop franche et il lui fallait des réponses claires et précises. Elle espérait que la Licorneuse ne s'en formaliserait pas :

Il ne me semble pas avoir entendu réponse à mes questionnements.. Je suis certes arrivée en retard, en suis mortifiée encore une fois... Cependant il me semble avoir suivi le fil de la discussion... J'ai bien pris note que nous aurons bientôt un entraînement .... Cependant, je me demande toujours quelles sont nos attributions exactes. Tu n'as rien indiqué à ce sujet.
Je précise donc ma question, peut être n'ai je pas été assez claire ...

Que sommes nous en devoir d'exécuter comme tâches chaque jour ?

Si tu me dis qu'il existe un affichage clairement défini, j'irai le voir dès que j'aurai franchi la porte. Indique m'en l'endroit précis je te prie...

Quant au jardin, je me ferai un plaisir d'aider ceux qui l'aménagent, bien évidemment.

Elle reprit d'une voix douce en direction de la jeune femme :


Je te... Vous remercie d'attention que ..Vous portez à ma requête.

Son regard croisa alors celui du jeune homme qu'elle avait vu quelques jours plus tôt, en compagnie de Cerridween en les jardins de la forteresse, témoin innocent et invisible de leur duel.... Elle était restée cachée sous la voûte, dissimulée par une colonne, médusée par la tension qu'elle avait perçue entre eux, hypnotisée par la force tranquille de la rousse, par l'arrogance à fleur de peau de son futur écuyer... Longtemps après qu'ils aient quitté les lieux, elle était restée là, Joue râpée par la rugosité de la pierre, ongles enfoncés dans la matière poreuse, souffle difficile, corps ankylosé par la position immobile qu'elle lui avait imposé, par ses muscles tendus qui malgré eux avaient participé à chaque assaut, inconsciemment, regardant la pivoine prendre le dessus sur l'écorché... à se remémorer chaque mot, chaque geste d'un instant qui marquerait son âme à jamais. Le choc de deux personnalités hors du commun.

Elle se rassit, soudain abattue..

Je suis Ella de Dijon, j'ai donné ma démission et j'ai repris ma liberté.

J'ai été capitaine de l'Ost de Bourgogne, j'étais en charge de la garde ducale.

Trois missions de chasses aux brigands avec ma part de prises.

Puis après j'ai rencontré quelques problèmes heureusement tous réglés aujourd'hui. Je viens me joindre à l'Ordre pour donne le meilleur de moi-même. Je ne demande qu'à être guidée.

Je désire ardemment collaborer au maximum et participer aux missions et à toutes les activités de la Licorne. Je suis là pour servir, être utile.

J'espère bientôt pouvoir partir en mission. J'attends la première chance qui se présentera. Je suis là...

Je surveille bien toutes les affiches, et je suis aux aguets.

J'espère rejoindre une mission très très bientôt!

Mais si vous voyez quelque chose qui me convienne j'attends les suggestions et les ordres avec impatience.